Un voyage pédagogique à Auschwitz : est-ce utile?

Un voyage de plus?

L’entrée du camp d’Auschwitz I avec l’inscription « Arbeit macht frei »

 

Avec deux classes de 1ères (L et ES) du Lycée de Semur-en-Auxois,  nous avons mené un projet sur Auschwitz, comprenant un voyage sur place, lors de l’année scolaire 2004-2005, c’est à dire l’année des commémorations du 60ème anniversaire de la libération des camps. Cette année là, plusieurs voyages sur ce site à la fois historique et mémoriel eurent lieu. Les médias en firent écho et, toujours avides de sensationnel, relatèrent notamment quelques écarts de conduite de certains élèves. Une « mode » semblait s’être presque installée sur ce voyage, les projecteurs étaient braqués sur Auschwitz…. Certaines personnalités, dont Annette Wievorka mirent alors en cause l’utilité d’un tel déplacement, soulignant  « les mots creux, un peu convenus qu[e les adolescents] profèrent à l’issue de leur visite ». D’autres purent dire, avec des mots inacceptables, (la «  pornographie mémorielle » de Dieudonné…),  qu’on en faisait trop sur la Shoah…

Or, pour nous ce voyage - et l’ensemble du projet dans lequel il s’inscrivit - se révéla  plus qu’utile, indispensable, ôtant la plupart des questions – voire doutes – qu’il soulevait en nous lors de son élaboration .

Il ne fut en aucun cas, pour les élèves – ni même pour nous - un voyage de plus, comme nous allons essayer de le montrer ici. … en vous proposant un « mode d’emploi » réutilisable et amendable du voyage pédagogique à Auschwitz.

Une condition à l'utilité du voyage à Auschwitz : sa préparation.

Des objectifs clairement énoncés aux élèves qui doivent y adhérer

 

Permettre aux élèves de mieux appréhender les étapes et les mécanismes qui ont abouti aux génocides perpétrés par les nazis, notamment à Auschwitz, et les spécificités du système concentrationnaire nazi et de la Shoah.

Sensibiliser les élèves à la nécessité d’une transmission des ces faits, alors que les témoins sont de plus en plus rares et que certains négationnistes continuent de vouloir les gommer. 

Les sensibiliser également à la nécessité d’une mémoire commune de ces faits qui nous habitent tous – ou devraient tous nous habiter -, quelque soit notre origine, tout en distinguant bien mémoire et histoire : la notion de « devoir de mémoire » est ici à proscrire, il s’agit plutôt d’un devoir d’histoire qui permettra ensuite de construire une mémoire.

  Formation citoyenne à l’acceptation de l’altérité par l’approche concrète des conséquences historiques de son rejet, c’est à dire les génocides.

Ces objectifs doivent permettre d’abolir la distance entre les faits et les élèves, quelqu’ils soient, et  les impliquer totalement dans le projet alors intitulé :

 La Shoah et l’univers concentrationnaire : la mémoire au présent.

 

  L’intégration du voyage à l’ensemble du programme d’histoire de la classe de première

   Le programme d’histoire est ouvert, en début d’année, avec l’étude la seconde guerre mondiale afin de montrer le contexte de la Shoah et de l’univers concentrationnaire.

La Shoah, au lieu d’être reléguée en fin d’année avec le risque d’être traitée très rapidement, devient le cœur du programme. Les autres parties de ce dernier deviennent alors autant d’éléments d’explications permettant de comprendre comment on est arrivé à ce terrible événement : c’est l’historicisation qu’évoque G. Bensoussan, puisqu’il ne s’agit en aucun cas de rester dans le seul champ du pathos.  Un schéma est élaboré et réalisé avec les élèves  en début d’année :

Ce schéma doit permettre aux  élèves de comprendre comment la Shoah et le phénomène concentrationnaire prennent leur racine dans la culture et l’histoire européenne, entre la fin du XIXème siècle et 1939, ce qui évite de penser qu’il est « en apesanteur », hors de tout contexte historique et donc un « accident de l’histoire » ne pouvant donner lieu, non pas à des répétitions mais du moins  à des imitations…

 
Mise en œuvre d’un travail de recherche préalable par les élèves

Il s’agit pour les élèves  de prendre connaissance de la réalité de l’univers concentrationnaire d’Auschwitz à travers une expérience tirée de la littérature (par exemple Primo Lévi) ou de films ou d’un témoignage plus directe. A partir de cette recherche, ils doivent élaborer un petit dossier.

Avant le départ pour Auschwitz, les élèves ont donc eu un cours sur la seconde guerre mondiale et les génocides nazis (avec des questionnement sur l’historiographie de la Shoah, les chiffres…), et ont déjà des connaissances sur la réalité concrète du camp d’Auschwitz, ce qui les préparent à la fois intellectuellement et psychologiquement à la visite.

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