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La mise en narration : un outil au service des ressources pédagogiques.

jeudi 10 juin 2021, par M. Bertrand

Mickaël Bertrand propose un retour d’expérience relatif à l’usage, en classe inversée, de ressources numériques variées utilisant, en particulier, les techniques de la narration.


1. Intitulé


La mise en narration : un outil au service des ressources pédagogiques


2. Rappel : Compétences particulièrement travaillées


- Connaître et repérer des informations
- Utiliser des outils et ressources numériques


3. Hypothèse


Si l’école doit être attentive aux potentialités des nouveaux formats qui se développent et qui présentent souvent de multiples intérêts, cela ne signifie pas pour autant qu’elle doit systématiquement adopter ces nouveaux outils au prétexte qu’ils parviennent à capter l’attention et à susciter l’engouement des apprenants. Une ressource pédagogique répond en effet à des critères qui ne sont pas similaires à ceux en vigueur dans le domaine du divertissement ou de la communication. 
Il convient tout d’abord de briser le totem de la capsule vidéo qui a longtemps été associée aux dispositifs de classes inversées et qui s’est imposée comme un support pédagogique incontournable dans de nombreuses disciplines. Cela s’explique notamment par le développement d’outils (la webcam intégrée aux ordinateurs portables mais aussi les applications de capture d’écran) et de plateformes (YouTube) largement investis par les précurseurs de cette approche pédagogique. Il faut reconnaître que ces supports présentent des atouts indéniables : non seulement l’enseignant a désormais la capacité de créer lui-même une ressource structurée pour répondre parfaitement à ses objectifs pédagogiques ; mais les élèves ont aussi la possibilité de visionner plusieurs fois le cours s’ils en ont besoin, voire de mettre leur professeur “en pause” pour être bien certains de comprendre tous les éléments.
Les vidéos présentent néanmoins plusieurs limites importantes. D’une part, elles nécessitent une maîtrise technique et narrative qui ne relève pas directement des compétences professionnelles des enseignants. D’autre part, leur réalisation est extrêmement chronophage alors même que les enseignants manquent déjà souvent de temps pour réaliser leurs scénarios pédagogiques. Enfin, et justement parce que ce format a été popularisé par l’industrie du divertissement et les réseaux sociaux, il induit parfois une attitude passive des élèves qui sont habitués à consommer des produits culturels au format vidéo et qui ne parviennent pas toujours à adopter une autre posture face à des ressources qui ont certes le même format, mais pas les mêmes objectifs.
Face à ces limites de la vidéo, il peut être intéressant d’aller chercher d’autres solutions du côté des ressources numériques qui ont largement accaparé le temps d’attention de nos élèves depuis quelques années : Snapchat, Instagram et TikTok. Si ces réseaux sociaux connaissent un tel succès, c’est notamment en raison de leur construction qui répond aux stratégies de la mise en narration afin de capter l’attention des utilisateurs. Les stories proposées sur ces différentes plateformes consistent en effet à développer un récit structuré et interactif qui favorise l’engagement des utilisateurs.

Tout en gardant un regard critique sur les potentielles dérives de ces stratégies et outils, il est intéressant de s’interroger sur leurs possibles adaptations en contexte pédagogique afin de créer des ressources plus efficaces en termes d’apprentissage.


4. Méthode : Description pratique de la mise en œuvre


Ce scénario a été mis en place avec deux classes de Terminale dans le cadre du chapitre de géographie intitulé « Dynamiques territoriales, coopérations et tensions dans la mondialisation  » (Thème 2 – Chapitre 1).
L’activité proposée vise à introduire la séance 2 ayant pour problématique : « Comment les acteurs publics et privés tentent-ils de répondre aux défis de la mondialisation à toutes les échelles ?  ».

EN AMONT DE LA SÉANCE

Les élèves sont invités à réaliser une activité préparatoire dans le cadre d’une classe inversée de type 1 (LEBRUN), c’est-à-dire un dispositif dans lequel les élèves prennent connaissance de la matière en amont du cours pour consacrer le temps de classe à la mise en application dans le cadre d’un exercice, d’une tâche complexe ou d’un projet.
Pour cette expérimentation, les deux classes n’ont pas eu accès à la même ressource :
- Le groupe A a travaillé sur une synthèse écrite du cours issue d’un manuel scolaire ;
- Le groupe B a travaillé sur une ressource interactive mobilisant une mise en récit. Réalisé à partir d’un modèle proposé sur Genially, ce parcours propose de suivre les traces de Fabian LEENDERTZ, l’un des membres de l’équipe de chercheurs internationaux envoyés en Chine au début de l’année 2021 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin d’enquêter sur les origines du Covid-19.

Cliquez sur l’image pour consulter la ressource

Dans les deux cas, les élèves avaient la possibilité de réaliser un questionnaire auto-corrigé facultatif afin de les aider dans le repérage des principales informations à retenir. Mes élèves étant habitués à cette organisation, ils ont largement utilisé cette ressource (119 questionnaires réalisés pour 61 participants car plusieurs élèves ont effectué l’activité plusieurs fois jusqu’à obtention de la note maximale).

PENDANT LA SÉANCE
Lors de leur arrivée en classe, les élèves sont soumis à une évaluation de connaissances (annexe 1) afin de tester l’efficacité de la ressource proposée dans l’acquisition des connaissances.

Le groupe ayant travaillé sur la synthèse écrite du cours a donc obtenu des résultats supérieurs à 20 % de ceux du groupe ayant travaillé sur le parcours interactif.
Cette différence peut sembler importante mais elle doit être mise en perspective avec les résultats des deux groupes lors des évaluations de connaissances réalisées tout au long de l’année.
- La moyenne du groupe A est de 15,394
- La moyenne du groupe B de 14,366
Le groupe B obtient donc généralement des résultats inférieurs de 7,16 % par rapport au groupe A.

Il n’en demeure pas moins que les résultats du groupe ayant travaillé sur le parcours interactif restent largement inférieurs à ceux du groupe ayant travaillé sur une synthèse écrite de cours.

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette situation :
- Les élèves n’ont pas l’habitude de travailler sur un tel parcours alors qu’ils sont rompus à l’exercice de révision sur une trace écrite de cours. Certains ont peut-être été déstabilisés par ce nouveau type de ressource qu’ils maîtrisent moins et dans lequel ils ont eu plus de mal à sélectionner des informations ;
- La réalisation du parcours est plus long et il contient davantage d’informations que la trace écrite du cours. La mise en narration nécessite en effet de mobiliser des informations de mise en contexte qui contribuent à donner du sens aux connaissances mais qui peuvent également contribuer à leur dilution aux yeux des élèves.

C’est pourquoi il convient désormais de s’intéresser à la façon dont les élèves ont ensuite été en mesure de mobiliser ces connaissances dans le cadre d’un exercice d’étude de documents réalisé en équipes (annexe 2). Lors de cette activité, les élèves ont été placés en équipes. Leur mission consistait à réaliser un tableau préparatoire permettant :
- De trouver un plan susceptible de répondre au sujet ;
- De mobiliser des citations précises des documents ;
- De mobiliser des connaissances issues de l’activité préparatoire permettant d’analyser les documents.

Sur les 6 équipes du groupe A ayant travaillé sur une synthèse de cours :
- Deux équipes proposent un plan susceptible de répondre au sujet (cf. copie 1) tandis que les autres équipes proposent des parties qui constituent plus ou moins des parties du cours, mais sans lien direct avec le sujet (cf. copie 2).
Sur les 6 équipes du groupe B ayant travaillé sur le parcours :
- Cinq équipes proposent un plan susceptible de répondre au sujet (cf. copie 3) tandis qu’une seule équipe propose des parties qui ne répondent pas vraiment au sujet.
Par conséquent, les élèves ayant travaillé sur la parcours semblent être davantage en mesure de répondre à un sujet d’étude de documents des connaissances à bon escient tandis que les élèves ayant travaillé sur une synthèse de cours ont plutôt tendance à vouloir plus ou moins réciter ce cours sans toujours parvenir à établir un lien direct avec le sujet.

APRÈS LA SÉANCE

Quelques jours après cette séance, les élèves ayant travaillé sur le parcours ont été invités à donner leurs impressions sur cette nouvelle ressource en répondant à quatre questions.
Voici les résultats :

1. As-tu trouvé cette ressource plus utile ou moins utile que les autres activités préparatoires proposées (vidéo + QCM) ?

2. Cette ressource était-elle facile d’utilisation ?

3. Souhaites-tu utiliser d’autres ressources similaires dans les prochaines semaines ?

Les élèves ont par ailleurs été invités à me faire part de leurs retours et conseils dans une question ouverte. L’annexe 3 rassemble l’ensemble des remarques collectées dans cette réponse.

Analyse des résultats

Il est surprenant de constater que malgré des résultats plus faibles qu’avec d’autres activités préparatoires, les élèves répondent majoritairement qu’ils ont trouvé cette ressource plus utile qu’une simple vidéo et qu’ils seraient prêts à en utiliser d’autres à l’avenir.
Leurs remarques sont particulièrement avisées et peuvent être à mon sens résumées selon les principales idées suivantes :
- La ressource est bien construite, ludique et interactive. La mise en narration permet de mieux comprendre et suscite l’engagement.
- Néanmoins, cette ressource est plus exigeante pour les élèves : elle est plus longue et il est plus difficile de repérer les informations essentielles à apprendre dans la perspective d’une évaluation. Des bilans intermédiaires pourraient éventuellement être ajoutés à la fin de chaque étape.
- Les élèves conseillent par ailleurs de laisser la possibilité de revenir en arrière dans le parcours et donc de fluidifier la navigation.


5. Méthode : Action des élèves - mise en apprentissage de la compétence


La mise en œuvre de cette séance répond aux principales caractéristiques des classes inversées de type 1 identifiées par Marcel LEBRUN. Les élèves doivent d’abord acquérir des connaissances qu’ils devront ensuite mobiliser dans le cadre d’une activité en classe.
Cette situation permet de placer les élèves dans une posture de responsabilité afin de leur faire comprendre qu’ils sont acteurs de leurs apprentissages.


6. Méthode : Action de l’enseignant


En amont de la séance, l’enseignant a consacré une part importante de sa préparation à la réalisation du parcours permettant d’intégrer les connaissances de la séance dans le cadre d’un parcours mobilisant une mise en narration. Idéalement, ces ressources devraient ensuite pouvoir être mutualisées afin de gagner du temps.
Lors de la séance, l’enseignant joue un rôle d’accompagnateur. Il répond aux questions des élèves et intervient afin de débloquer certaines situations, voire adapte les consignes en cas de difficultés dans certains groupes.


7. Conseil : Obstacles et modifications possibles


Les remarques constructives des élèves permettent d’envisager plusieurs pistes d’amélioration dans la construction de la ressource proposée. Si la stratégie de mise en narration semble très largement plébiscitée, certains aspects doivent être revus :

  1. Il est préférable de prévoir un parcours un peu plus court ;
  2. La possibilité de naviguer dans le parcours doit être améliorée afin de permettre aux élèves de revenir en arrière ;
  3. Des bilans intermédiaires doivent être proposés aux élèves afin de les aider à cibler les principales informations à retenir ;
  4. Des rétroactions doivent être proposées aux élèves afin de leur permettre de comprendre leurs erreurs et de se corriger plus facilement.

Par ailleurs, une poursuite de l’expérimentation est envisagée l’année prochaine avec d’autres types de ressources :
- Un agent conversationnel (chatbot) afin de mettre en œuvre une narration dans le cadre d’un échange guidé entre l’élève et un interlocuteur ;
- Un podcast afin de comparer l’efficacité de cette ressource par rapport à une vidéo.


8. Complément : Les intérêts du numérique


Cette séance n’aurait pas pu être mise en œuvre sans l’usage du numérique. Elle vise en effet à vérifier l’intérêt de ressources numériques mobilisant la narration et l’interactivité dans l’apprentissage, la mémorisation et la compréhension des élèves.
Les résultats des évaluations, des activités et de la consultation des élèves montrent que la ressource numérique proposée ne permet pas une meilleure acquisition, ni une meilleure mémorisation des connaissances à court terme. En revanche, elle suscite un intérêt et un engagement plus forts des élèves et elle semble permettre une mobilisation plus efficace des connaissances au service d’une tâche complexe.


9. Complément : PIX CRCN


- S’insérer dans le monde numérique
- Développer un regard critique face à l’information et aux médias


10. Complément : Ressources et outils numériques mobilisés


Ressources
- La trace de cours utilisée par le groupe A est celle du manuel lelivrescolaire.fr pp. 172 et 174 (2020).
- Le parcours interactif utilisé par le groupe B est consultable sur Genially.
Le questionnaire auto-corrigé d’accompagnement des élèves dans le repérage et l’acquisition des connaissances est consultable à cette adresse.

Bibliographie
Marcel LEBRUN, Classes inversées et pistes pédagogiques, conférence donnée au séminaire des écoles d’entreprise, 2019 (https://www.mlfmonde.org/tribunes/classes-inversees-et-pistes-pedagogiques/)


Annexes


file_download Evaluation de connaissances
file_download Etude de documents
file_download Copie 1
file_download Copie 2
file_download Copie 3
file_download Synthèse des remarques et conseils des élèves


Auteur


Mickaël BERTRAND
mickael.bertrand@ac-dijon.fr


Mise en page pour le site académique : Angélique MARIE.