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Les mémoires, lecture historique : le cas de la déportation pour motif d’homosexualité en France

dimanche 26 août 2012, par M. Bertrand

Les coulisses de la leçon :

Cette leçon est née de la volonté d’intégrer des problématiques liées à l’histoire des homosexualités au sein de l’enseignement scolaire afin de répondre aux finalités morales, intégratrices et civiques de l’enseignement de l’histoire (Patrick Garcia).

A défaut de pouvoir mettre en place une politique systématique de lutte contre les discriminations dans tous les établissements, il est possible d’intégrer ces thématiques à travers nos enseignements afin de répondre aux exigences des circulaires n°2003-027 du 17 février 2003 et n°2006-197 du 30 novembre 2006.

Cette proposition ne constitue pas en elle-même l’ensemble de la séquence consacrée aux mémoires. Il s’agit plutôt d’une proposition de "fil rouge" intégrant un exercice lié aux mémoires de la déportation pour motif d’homosexualité dans chaque séance de la séquence.

Séquence : Les mémoires, lecture historique

Niveau : Terminale

Problématique générale

Quelle est la place et le rôle des mémoires de la Seconde Guerre mondiale dans nos sociétés contemporaines ?

Objectifs

 1. Savoir définir les notions suivantes : mémoire, hypermnésie, récit national.

 2. Connaître les principales étapes du processus de construction mémorielle

 3. Connaître les principaux repères de la construction mémorielle de la déportation pour motif d’homosexualité.

 

Usage des TICE

 - Vidéoprojecteur

 - Possibilité d’une séance informatique (recherches guidée d’informations à partir de JogTheWeb)

 

Démarche globale

La séquence est planifiée sur une base de quatre séances permettant de répondre à quatre problématiques successives et complémentaires.

 Séance 1 : Pourquoi des mémoires et non pas une mémoire ?

 Séance 2 : Comment se construisent les mémoires ?

 Séance 3 : Comment les historiens se positionnent-ils par rapport aux mémoires de la Seconde Guerre mondiale ?

 Séance 4 : Comment gérer la multiplicité des mémoires ?

A l’intérieur de chacune de ces séances, une activité permet d’aborder la thématique de la mémoire de la déportation pour motif d’homosexualité en fil rouge.


Déroulé des séances

Séance 1 : A l’origine de la multiplicité des mémoires

Les instructions officielles préconisent de présenter la multiplicité des mémoires comme le résultat de périodes de conflits qui ont rompu l’unité de la nation.

Selon les compétences travaillées et le temps consacré à cette séance par le professeur, il est possible d’envisager plusieurs activités :

 - Soit le professeur présente lui-même les différentes catégories dans le cadre d’un cours dialogué,

 - Soit le professeur fournit aux élèves des documents dans lesquels il faut prélever des informations pour dresser un portrait,

 - Soit les élèves réalisent par groupes une présentation en salle informatique à partir d’une sitographie fournit par le professeur (présentée par un exemple sous la forme d’un jogtheweb pour éviter aux élèves de s’éparpiller).

Les différentes catégories envisagées :

 - Le résistant

 - Le collaborateur

 - L’attentiste

 - Le prisonnier de guerre

 - Le déporté

Dans le cas du déporté, je fournis aux élèves :

 - Le tableau des déportés de Dachau pour rappeler aux élèves les différents motifs de déportation (voir annexe)

 - Différentes références sur Pierre Seel (déporté français pour motif d’homosexualité) dont :

 * un reportage radio sur France Inter : http://www.franceinter.fr/emission-la-bas-si-j-y-suis-pierre-seel-homosexuel-deporte

 * un documentaire cinématographiques (extrait de Paragraph 175) : http://www.dailymotion.com/video/x8zo1c_francais-gay-et-deporte-en-camp-naz_shortfilms

 * une chronologie rappelant les principales étapes de sa vie : http://www.devoiretmemoire.org/memoire/temoins_histoire/pierre_seel.html


Séance 2 : La temporalité des mémoires

Les instructions officielles préconisent d’identifier les rythmes d’apparition des différentes mémoires sur la scène publique en repérant notamment :

 - l’occultation destinée à la restauration de la paix civile au sortir des conflits

 - le « travail de mémoire » des groupes insatisfaits

 - la réception plus ou moins large et non sans conflits des mémoires ainsi révélées

 - l’acceptation officielle de ces mémoires émergentes

Personnellement, je pense qu’il est impossible d’échapper à des articles ou des extraits des travaux d’Annette Wieviorka qui figurent dans certains manuels (notamment des extraits de son excellent ouvrage L’ère du témoin).

Toutes ces étapes peuvent également être repérées directement à travers des extraits du témoignage de Pierre Seel édité en 1994. J’ai rassemblée dans le document figurant en annexe les passages qui permettent de résumer son cheminement mémoriel de 1945 à 1994.

Il est possible de procéder de deux façons en fonction du temps disponible et des objectifs méthodologiques :

 - soit fournir un questionnaire de repérages d’informations

 - soit demander aux élèves de repérer et découper le texte en fonction des étapes.


Séance 3 : L’historien et les mémoires 

Les instructions officielles demandent d’insister sur la mise à distance des mémoires et leur historicisation qui s’organise en plusieurs phases :

 - D’abord un travail d’histoire sur la Seconde Guerre mondiale qui met en valeur des faits éventuellement occultées par les mémoires,

 - Puis la possibilité pour certains historiens de dénoncer publiquement les occultations de la lecture mémorielle,

 - Enfin, une prise de distance critique qui transforme les mémoires en véritable objet d’histoire.

Encore une fois, il est difficile ici de passer à côté d’une étude d’extraits d’ouvrages d’historiens, voire d’interviews (notamment d’Henri Rousso au moment de l’affaire Papon ou encore Pierre Laborie plus récemment).

Pour les rapports entre les historiens et les mémoires de la déportation pour motif d’homosexualité, un article résume les grandes problématiques rencontrées depuis les années 1970 :

Mickaël BERTRAND, « A la recherche d’un lieu de mémoire victimaire : le cas des déportés homosexuels français », in David EL KENZ et François-Xavier NERARD (dir.), Commémorer les victimes en Europe, XVIe – XXIe siècles, Paris, Champ Vallon, 2011.

Pour aller plus vite, il est aussi possible de travailler à partir du document fourni en annexe qui retrace les grandes étapes de l’histoire et des mémoires de la déportation pour motif d’homosexualité.


Séance 4 : Les guerres de mémoires 

Les instructions officielles précisent que la question des mémoires de la Seconde Guerre mondiale conserve d’immenses enjeux politiques et éthiques.

En guise de travail préparatoire, il est possible de faire travailler les élèves sur plusieurs articles (ou extraits) de l’ouvrage de Pascal Blanchard et Isabelle Veyrat-Masson (dir.), Les guerres de mémoire, La découverte, 2008.

Pour cette séance, la classe est divisée en groupes. Je distribue à chaque groupe une feuille de présentation d’une association / fondation de défense d’une mémoire de la Seconde Guerre mondiale précisant ses objectifs (textes disponibles en annexe). 

 - Fondation pour la Mémoire de la Déportation

 - Fondation de la Résistance

 - Fondation pour la Mémoire de la Shoah

 - Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain

 - Les Oubliés de la Mémoire

Nous organisons une réunion de travail fictive en vue de la préparation d’une cérémonie nationale de commémoration au cours de laquelle chaque groupe doit défendre sa position. Au cours de l’exercice, le professeur fait remarquer aux élèves les points de tension / dissensions entre les groupes mémoriels.


Les références bibliographiques

Généralités sur l’histoire et la mémoire

François HARTOG, Régimes d’historicités, Présentisme et expériences du temps, Seuil, 2003.

Pierre NORA (dir.), Les lieux de mémoire ; tome 1 : La République ; tome 2 : La Nation ; tome 3 : Les France, Paris, Gallimard, 1984, 1986, 1992.

Ouvrages sur l’histoire et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale

Eric CONAN et Henri ROUSSO, Vichy, Un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994.

Pierre LABORIE, Le Chagrin et le Venin, Paris, Bayard, 2011.

Robert PAXTON, La France de Vichy, Paris, Seuil, 1973.

Ouvrage sur l’histoire et les mémoires de la déportation pour motif d’homosexualité

Mickaël BERTRAND (dir.), La déportation pour motif d’homosexualité en France, débats d’histoire et enjeux de mémoire, Lyon, Mémoire Active, 2011.

Mickaël BERTRAND, « A la recherche d’un lieu de mémoire victimaire : le cas des déportés homosexuels français », in David EL KENZ et François-Xavier NERARD (dir.), Commémorer les victimes en Europe, XVIe – XXIe siècles, Paris, Champ Vallon, 2011.