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La mort de Marat par David : une étude sous forme d’enquête policière.

samedi 23 janvier 2010, par Jean-François Boyer

Le soir du 13 juillet 1793, un homme git dans sa baignoire. Il s’agit de Marat, la voix de la Révolution, "l’ami du peuple" !

Le 14 novembre 1793 David présente à la Convention le tableau de cette scène...

Les élèves sont appelés à mener l’enquête sur cette histoire. S’agit-il d’une scène de crime, d’un suicide, d’un accident ? Qui a pu commettre l’irréparable ? Et pourquoi ?

Autant de questions pour voir, observer, lire, comprendre ce tableau devenu un des symboles de la Révolution, un chef d’oeuvre.

Autant de questions pour comprendre les années 1792-1793, les tensions et les violences entre Girondins et Montagnard,s la période de la Terreur.

Problématique :

Comment peut-on expliquer cette scène ?

Démarche :

Séance 1 : l’année 1789

Séance 2 : la monarchie constitutionnelle

Séance 3 : Marat - David - Corday

    1. Observer et remplir une fiche de travail en salle informatique
    2. Correction : la fiche est la trace écrite.

Décrire la scène, noter les indices, proposer le type de scène ( criminelle, suicide, accident de travail...)

Rechercher des informations sur les protagonistes de l’affaire : David - Marat - Corday). Déterminer les causes de cette scène, le contexte historique, l’assassin, l’arme...

Comment cette scène historique et criminelle devient un chef d’oeuvre par David et une oeuvre de propagande ?

Bien sûr tout est affaire d’interprétation : voir la bibliographie !

Séance 4 : la Terreur

Séance 5 : les déclarations des droits de l’homme (1789-1793- 1795)

En conclusion : la révolution Thermidorienne et le coup d’Etat de Bonaparte.

Capacités :

Lecture d’un tableau - Recherche des informations dont le contexte, les personnages dans Wikipédia (mots clefs pour la recherche)

Compétences :

Les Girondins - Les Montagnards - Marat - L’Ami du Peuple - Robespierre - David

Bibliographie :

Michelet Régis, Sahut Marie-Catherine, David l’art et le politique, Découverte Gallimard, 1988

Jaubert Alain, Lagier Valérie, Moncond’hui Dominique, Scepi Henri, L’art pris au mot, Gallimard, 2007

Firmin-Didot Catherine, L’oeuvre dévoilée, Palette, 2009

Site Wikipédia pour : Marat - Corday et David (ou Larousse.fr)

Quelques éléments :

"Chacun de nous est comptable à la patrie des talents qu’il a reçus de la nature... Le vrai patriote doit saisir avec empressement tous les moyens d’éclairer ses concitoyens, et présenter sans cesse à leurs yeux les traits sublimes d’héroïsme et de vertu". David.

David à la fin de 1792 - début 1793.

David entre en politique pendant l’année 1792 en choisissant de se ranger du côté des jacobins et en particulier auprès de Marat. Il quitte ses amis libéraux : Lavoisier, Chénier...

Il est élu à la Convention le 17 août 1792.

Avant son tableau "Marat à son dernier souffle" (le vrai titre pour Jaubert...), David réalise une première oeuvre disparue (sans doute détruite par la fille de la victime représentée). Il s’agit de Lepeletier de Saint-Fargeau, un noble acquis à la cause révolutionnaire et qui trouve la mort le 20 janvier 1793 poignardé par Philippe de Paris ancien membre de la garde du roi.

Louis-Michel Lepeletier marquis de Saint-Fargeau a donné son nom à la loi supprimant les titres de noblesses.

Marat est chargé de célébrer dignement ce patriote vertueux : une cérémonie et la peinture en font un objet de propagande , un martyr de la Révolution. L’oeuvre représente Lepeletier à demi nu sur un lit, soutenu par un tas d’oreiller, un glaive suspendu (celui de Pâris avec la fleur de Lys ), et du sang coule sur la blessure de Louis-Michel. Sur le papier traversé par l’épée on peut lire : "je vote la mort du tyran" (louis XVI). Au bas du tableau on peut lire cette dédicace : David à Lepeletier".

Réalisme, symbolisme, inspiration antique, réalisation moderne...

Le tableau est accroché sur les murs de la convention.

Tous ces éléments se répètent dans l’oeuvre "la mort de Marat".

Informations sur Marat :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Marat (article dans Wikipédia, on retrouve les éléments sur les Girondins et les Montagnards, liens vers Corday).

http://www.histoire-en-ligne.com/article.php3?id_article=237 (résumé de la vie de Marat dont l’extrait ci-dessous comparant Marat à Jésus).

http://pagesperso-orange.fr/sylvain.weisse/marat/maratfe.htm (article d’un collègue avec une analyse apportant des informations à propos de la liberté de la presse).

"Un orateur Guiraut, interpelle David en désignant le tableau de Lepeletier, qui est au mur :

"David ! Où es-tu, David ?

-Me voila, répond le peintre, de la salle.

- Prends ton pinceau ; il te reste encore un tableau à faire."

Cité par Michel Régis, David, Découverte Gallimard.

Le 16 novembre 1794 , la République lui fait l’éloge suivant : « Comme Jésus, Marat aima ardemment le peuple et n’aima que lui. Comme Jésus, Marat détesta les rois, les nobles, les prêtres, les riches, les fripons et comme Jésus, il ne cessa de combattre ces pestes de la société »

David fait de Marat un personnage aux traits nobles, héroïque, christique (dans la réalité malade, laid, atteint d’une maladie de la peau, de moins en moins présent à la Convention). Il est bienveillant vis-à-vis du peuple (voir l’assignat), dévoué à la cause du peuple (la plume dénonce les ennemis de la République). Il est un ascète incorruptible : le drap est reprisé.

Tous les éléments du crime sont représentés : le couteau, le sang, le mur sombre, une lumière diffuse qui éclaire un corps blanc, des draps évoquant un linceul.

Le tableau représente les derniers instants du peintre comme en témoigne le titre, la main droite qui tient encore la plume, la main gauche où l’on peut lire la lettre de Charlotte Corday (jeune noble ami des girondins), la bouche entrouverte laissant passer un dernier souffle.

Mais en contrepoint de ces détails réalistes, le peintre a ôté le réalisme de la pièce : un mur ? fond noir, la noirceur du crime.

"Enfin, David place ce corps à notre portée, en même temps qu’il l’éloigne en dotant la scène d’un caractère solennel. La seule profondeur de champ est donnée par la caisse de bois placée contre la baignoire. Sa base coïncidant avec celle de la toile, elle devient une sorte de trompe-l’oeil que nous pensons pouvoir toucher. Sa largeur correspond à la distance qui nous sépare du mort.

David complique cet effet en y inscrivant sa dédicace à Marat, en lettres antiques comme sur une stèle mortuaire. L’inscription ne se trouvant bien sûr pas sur l’objet, nous comprenon squ’elle est tracée sur la toile. Ainsi en superposant la face de la caisse avec la surface du tableau, le peintre contredit l’effet de trompe-l’oeil. Comme s’il nous leurrait, tout en avertissant qu’il s’agit d’une image : une "icône" de la Révolution. S’il nous laisse croire que nous pourrions presque toucher le bras du mort, cette stèle nous rappelle que le geste serait sacrilège. De l’homme puis du cadavre, Marat est élevé au rang de Martyr. Son corps transfiguré qui s’abandonne vers nous est donné en spectacle au monde. Comme une offrande de la Révolution à la Révolution"

L’oeuvre dévoilée, page 187.

Voir ce tableau c’est aussi se mettre à la place de Charlotte Corday : car elle seule a vu le dernier souffle de Marat ! David la représente hors champs du tableau.

"Comme dans Les Sabines, où le dispositif est sûrement conscient, c’est le spectateur qui est ici sollicité, pris à partie par David (mais cette fois peut-être inconsciemment). Et le discours sous-entendu serait alors, dans le style grandiloquent de l’époque : "C’est vous, Français, qui, par lâcheté, par manque de vigilance, par faiblesse révolutionnaire, avez tué l’Ami du peuple !" Piège diabolique, c’est donc le spectateur qui est l’assassin. D’où le malaise, qui devant ce tableau, nous entraîne en fin de compte assez loin du pur scénario d’un simple fait divers historique..."

L’art pris au mot, pages 161-162.

Bilan :

Le fait de mener l’enquête policière sur ce tableau (avec un document flash et en salle informatique) a motivé les élèves pour décrire, comprendre le tableau. Le rôle du spectateur et la présence de Charlotte Corday hors champs n’ont pas été vus par les élèves.... Mais le contexte historiques est repéré par les élèves. Le Saint de la Révolution par quelques groupes. L’ensemble me semble satisfaisant quant on connait la difficulté pour les élèves d’insérer une oeuvre dans un contexte.

Si des collègues ont des informations à apporter en complément, n’hésitez pas à me contacter par le mail contact du site académique.

 F.Hojlo propose deux liens pour aller plus loin :