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L’engagement de la jeunesse dans la résistance en France (1940-1944)

lundi 22 février 2021, par Angélique MARIE webmestre, M.P.Cerveau

Marie-Pierre Cerveau propose une étude de cas, avec de nombreux documents inédits destinée à des élèves de troisième, dans le cadre du thème I d’histoire, chapitre "l’Europe dans la guerre". Ce travail peut être adapté en lycée.

En préambule :
L’étude de cas, proposée en bas de page, est destinée à des élèves de Troisième. Elle s’inscrit dans le Thème 1 L’Europe, théâtre majeur des guerres totales (1939-1945) et le Chapitre La France dans la guerre (1940-1944).

Elle peut également être adaptée en lycée.
- En classe de terminale générale, thème 1, Chapitre 3. La Seconde Guerre mondiale
-En classe de terminale technologique, thème 1, Totalitarismes et Seconde Guerre mondiale, sujet d’étude : De Gaulle et la France libre.

L’étude de cas compte plusieurs documents inédits, tirés des archives départementales.
Le travail peut s’effectuer en classe (seul ou en binôme) ou en dehors de la classe. Dans le cadre d’un enseignement à distance, le travail par binôme est réalisé à l’aide d’applications comme framapad (hpps ://framapad.org/fr/). Une fois la production écrite individuelle rédigée, chaque élève la dépose dans le classeur pédagogique de l’ENT Éclat, dans lequel une activité a été créée.

Présentation de la résistance des jeunes en France, de 1940 à 1944 et mise au point scientifique.

En France, l’inscription de la jeunesse dans la résistance date de 1940. Il est important de rappeler l’imprégnation patriotique de la jeunesse. Tous les matins, les élèves débutent leur journée par une leçon de morale, où valeurs républicaines et engagement patriotique figurent en bonne place. Par ailleurs, certains jeunes vivent dans des milieux sociaux, intellectuels, ouvriers..., baignés de culture politique et/ou syndicale. L’effet de sidération passé, ces jeunes (absence de données chiffrées) décident de résister au pouvoir en place et à l’ennemi, quoi qu’il leur en coûtera. L’appel du général de Gaulle, le 18 juin 1940, peu entendu à cette date, est retransmis à plusieurs reprises et placardé sur les murs, à Paris et en province. Si la jeunesse citadine a un accès plus aisé aux informations médiatisées (journaux et radios), la jeunesse rurale, est renseignée par divers canaux : cheminots (le réseau de chemins de fer, alors dense, irrigue le pays) qui transportent journaux clandestins, messages, etc. ; curés engagés, opposés au régime de Vichy et à l’occupant, utilisent la JAC (Jeunesse Agricole Chrétienne) à laquelle nombre de jeunes ruraux adhèrent, cafés,... L’inscription dans la lutte contre les nazis, est liée au contexte (présence ou non de la Kommandantur, lieu de vie situé en zone libre ou en zone occupée, du moins jusqu’en novembre 1942, proximité de la ligne de démarcation, résistance extérieure) et aux événements. Ainsi, Georges Moreau, coiffeur à Clamecy, s’engage dans la résistance, après le massacre (18 au 21 juin 1940), de 43 tirailleurs sénégalais, faits prisonniers.
L’entrevue de Montoire, le 24 octobre 1940, entre Pétain et Hitler menant Pétain à collaborer ouvertement avec l’occupant, provoque un électrochoc parmi la jeunesse patriote qui refuse de vendre la France à l’ennemi. C’est, dans cet esprit, que des lycéens et étudiants parisiens, déterminés, bravant l’interdiction de défiler le 11 novembre 1940 et de se recueillir sur la tombe du soldat inconnu, résistent publiquement et collectivement au régime de Vichy et à l’occupant. Cette désobéissance mène ce dernier à faire feu sur les jeunes manifestants, qui sont, pour certains, blessés, et pour d’autres, arrêtés, interrogés et emprisonnés. Fin 1940, des mouvements résistants sont créés : Libération-Nord, Libération-Sud, suivis par d’autres, tel Francs Tireurs Partisans en 1941. Tous ces mouvements accueillent des jeunes désireux de changer le cours de l’Histoire.
D’autres événements, comme l’occupation totale de la France le 11 novembre 1942, par les armées allemande et italienne, après l’arrivée des Alliés en Afrique du Nord française, renforcent la présence de la jeunesse dans les rangs de la résistance. L’année 1943 constitue un tournant dans l’engagement politique de la jeunesse. La résistance soviétique lors de la bataille de Stalingrad (juillet 1942-février 1943) conduit les troupes nazies à se rendre et induit l’engagement accéléré des jeunes communistes, déjà très présents dans la résistance. La création du STO, en octobre 1943, mène les jeunes hommes âgés de 21 à 23 ans à se cacher pour échapper à l’obligation de travailler en Allemagne, et à entrer dans les maquis, implantés dans des espaces peu accessibles : massifs montagneux, forêts. Ainsi, la Bourgogne regroupe de nombreux maquis, parmi lesquels, le maquis Camille, le maquis Louis, dans le Morvan et, dans le Nivernais, le maquis Mariaux, le maquis du Loup, dirigé par Georges Moreau, alias Le Loup. 1943 est aussi l’année durant laquelle l’unification de la résistance en France est en cours, conduite par Jean Moulin. Celui-ci crée le CNR (Conseil National de la Résistance) en mai 1943 afin d’une part de préparer les débarquements alliés, qui pourront s’appuyer sur une résistance fédérée, et, d’autre part, de refonder la République.
Les actions menées par cette jeunesse engagée sont diverses : préparation de tracts (recopiés à la main ou tapés à la machine à écrire), distribués en évitant de se faire remarquer, dénoncer ; sabotages (wagons, locomotives, aiguillages, lignes téléphoniques, etc.) ; faux papiers ; récupération des biens largués par l’aviation britannique (la RAF, Royal Air Force) : armes, véhicules, containers cylindriques contenant journaux, tracts explicatifs pour écouter Radio Londres, argent,... ; cache d’armes ; passage d’individus recherchés en zone libre, du moins jusqu’au début de novembre 1942 ; actions de guérilla (il est possible d’ évoquer les 93 réseaux du SOE Service Operations Executive, - Direction des Opérations Spéciales –, service secret britannique, dirigés par le colonel Maurice Buckmaster).
Des enfants (le plus jeune a... 6 ans) aident des jeunes, guère plus vieux, à résister. Ainsi, en 1942, Ginette Marchais (11 ans), vivant à Genillé (Indre-et-Loire) est appelée par James Thireau, adhérent au réseau Vengeance, puis Écarlate, pour écouter les messages sur Radio-Londres, noter ceux qui intéressent les résistants. Elle apprend le morse, les signaux codés pour guider les avions, devient agent de liaison, accueille des officiers parachutés, récupère les containers. En 1946, sur ordre du Général Koenig, elle est décorée de la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de bronze ; âgée de 15 ans, elle est la plus jeune récipiendaire (Sources : R. Delpard, La résistance de la jeunesse française et site internet). Les jeunes résistants risquent leur vie et celle de leur famille.
Les jeunes résistants, appelés "terroristes" par les Allemands, sont recherchés par ceux-ci qui placardent des tracts notifiant une récompense (de quelques centaines de francs à un million) aux dénonciateurs. Ils subissent les arrestations, tabassages, tortures, emprisonnements, "exécutions pour l’exemple". Les Allemands se servent aussi de ces jeunes, pour faire avouer l’un des leurs, arrêté et torturé (doc 4). Ainsi, Pierre Jollois âgé de 15 ans est appelé par la Gestapo à Bar-sur-Seine (Aube) pour que son père, torturé sous ses yeux, avoue qui résiste à ses côtés. Le père ne parle pas, Pierre rapporte les faits des décennies plus tard, comme s’il les avait vécu la veille... Partout, en France, les représailles vis-à-vis des résistants sont terribles et la jeunesse inscrite dans les maquis n’est pas épargnée, loin de là... Elle paye un très lourd tribut. La Bourgogne en fournit de nombreuses illustrations, avec les maquis Mariaux (aidé par le maquis du Loup afin d’éviter l’encerclement allemand les 15 et 16 août 1944), Camille, Bernard... C’est grâce à leur bravoure et leur indéfectible engagement, associés à l’aide alliée et aux débarquements, que la France peut être libérée.
Concernant Émile Torcol
Né à Bulcy (Nièvre) en 1921, Émile Torcol suit des études secondaires à Nevers. Orphelin de père à l’âge de 14 ans, il est soutien de famille quand la guerre éclate en 1939. Il s’inscrit dans la résistance dès l’été 1940, en participant à des sabotages dans le secteur de Mesves-Pouilly, sur la ligne ferroviaire Paris-Clermont-Ferrand et sur les lignes téléphoniques. Plusieurs photos de mariage le montrent en costume, alors qu’il a fait ou va faire un sabotage. Ainsi, il a un alibi quand gendarmes ou Allemands recherchent le ou les coupables. Entre 1942 et 1943, avec ses compagnons, il récupère des containers largués par les Britanniques, containers contenant journaux, tracts, armes, etc. (cf : doc 3 et 5). Le STO le conduit à se cacher, d’abord en forêt des Bertranges (inscrite à l’Est de La Charité-sur-Loire et Prémery), puis à rejoindre le maquis Mariaux en 1944. En 1945, il est élu maire de Bulcy. Plus jeune maire de France, il est invité à l’Élysée, mais sa famille ne dispose pas de cliché. Il sera l’édile de Bulcy jusqu’à sa mort en avril 1989, date à laquelle des honneurs lui seront rendus par l’État et par ses anciens compagnons de résistance.

Démarche pédagogique et objectifs

À travers cette étude de cas, les élèves prélèvent les informations, les analysent, puis rédigent un développement organisé qui montrera le rôle de la jeunesse engagée dans la résistance en France de 1940 à 1944.
Les documents de cette étude de cas peuvent servir de complément à des archives locales, régionales, etc. proposées par le professeur, afin que les élèves prennent conscience des dimensions de cet engagement durant une période où enfreindre la loi pouvait conduire au peloton d’exécution. La notion de risque encouru est mise en avant, ainsi que la bravoure avec laquelle les actions sont menées.
Pourquoi la jeunesse vivant en France résiste-t-elle entre 1940 et 1944 ?
Il est nécessaire de montrer que certains jeunes vivaient dans des milieux sociaux imprégnés de culture politique. Si le discours de Pétain le 17 juin 1940 perçu, par certains jeunes comme une trahison envers la patrie, celui de de Gaulle, le lendemain, leur redonnera espoir et les conduira à défendre leur pays, quoi qu’il puisse en coûter.
L’interdiction de manifester du 11 novembre 1940, inscrite après le 24 octobre 1940, date de l’entrevue de Montoire entre Pétain et Hitler, permet d’aborder la désobéissance civile, quand la moindre infraction à la loi, imposée par l’occupant, est punie, mais pour la jeunesse, empreinte de valeurs républicaines, et idéaliste, il est hors de question de vivre sous la contrainte. Les règles de vie et la répression mises en place par le régime de Vichy (lois anti-juives) et l’occupant (couvre-feu, STO en 1943...) ainsi que l’aide et l’appui des Alliés, conduisent la jeunesse à mener des actions de résistance de plus en plus organisées, ciblées et d’une ampleur accrue au fil du temps.
Comment résiste cette jeunesse impliquée ?
Ces jeunes s’inscrivent, pour certains, dès 1940, dans les mouvements de résistance, engagés politiquement (communistes, gaullistes), ou regroupant des personnes de tout bord politique, syndical, voire, sans appartenance. Il est nécessaire d’expliquer la grande diversité des actions. Les jours précédents le 11 novembre 1940, les lycéens des établissements parisiens ont recopié des tracts (parfois sur de bouts de papier) incitant à la rébellion pour aller défiler aux Champs-Élysées. Les jeunes participeront activement aux sabotages (déraillement des trains ; routes, ponts minés...), missions de renseignement, distribution de journaux clandestins, passage de personnes recherchées en zone libre, écoutes des messages sur Radio Londres, guidage des avions de la RAF, récupération des biens parachutés, combats, etc. Certains ont voulu rejoindre de Gaulle à Londres malgré les embûches : passage de la ligne de démarcation, traversée de l’Espagne franquiste avec le risque d’être arrêtés, torturés et emprisonnés, difficulté à trouver des passeurs et un bateau pour l’Angleterre. Les moyens pour ne pas être reconnus sont, eux aussi, nombreux : changement d’identité avec de faux papiers ; déguisement (ex. : Georges Moreau, dit Le Loup, méconnaissable, travesti en femme) ou participation à des cérémonies (mariages, enterrements) servent d’alibi afin d’éviter l’arrestation, à passer en zone libre sans être identifiable... À partir de 1943, surtout après la mise en place du STO, les jeunes résistants se cachent pour éviter le départ en Allemagne. Des maires seront inquiétés, parfois envoyés en camp de concentration, voire exécutés, pour avoir refusé de dénoncer de jeunes résistants partis dans les maquis. Ces derniers, regroupant jusqu’à plusieurs centaines de jeunes, sont régis de manière quasi militaire, afin d’éviter les bavures. Pour autant, dans certains secteurs, les maquisards, dépourvus de code, sont autant craints que la Milice, quand ils arrivent quelque part. Les jeunes résistants prenant de plus en plus de risques, leur engagement peut avoir de lourdes conséquences.
Quelles sont les conséquences des actions menées par la jeunesse résistante ?
Au cours de l’été 1940, les actions conduites par les jeunes résistants sont souvent individuelles, peu organisées, dispersées, donc difficiles à identifier et à punir par le régime de Vichy et l’occupant. La manifestation du 11 novembre, première contestation publiquement affichée, conduit les Allemands à faire feu, pour la première fois, sur les manifestants. Il n’y aura pas de morts mais des blessés et des jeunes, arrêtés. Face à la multiplication des sabotages, des actions d’insubordination et à la meilleure organisation des résistants, les Allemands accentuent la pression et la répression : chasse ouverte aux "terroristes", guet-apens, dénonciations monnayées, chantage familial, etc. ; tabassage, torture, emprisonnement, envoi en camp de concentration ou d’extermination, exécution (cf : doc 10, lettre de Jean Artus). Les jeunes subissent, peu à peu, le même sort que leurs aînés. Rien ne leur sera épargné. Comment ne pas craquer lors d’interrogatoires féroces, ne pas dénoncer ses copains, membres du réseau ? Comment affirmer, sans ciller, que le patronyme, indiqué sur les faux-papiers, est exact ?
Il est également important que les élèves prennent conscience de ce qu’a pu être la vie de ces gamins, certains âgés de 14-15 ans, dans les maquis : dangerosité des actions, isolement de leur famille (qui les croit mort, parfois, car elle est sans nouvelles), vie à la dure dans des cabanes, sans confort, maniement d’armes destinées à tuer, vie en collectivité avec un règlement para-militaire, etc.
Les affrontements entre résistants et occupant provoquent aussi des dommages parmi les civils (prises d’otages, exécutions). Certains villages, tels Dun-les-Places (Nièvre), Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), paieront aussi un lourd tribut après que les Allemands aient eu maille à partir avec les résistants.
Les actions conduites par la jeunesse résistante en France entre 1940 et 1944, associées aux aides apportées par les Alliés, ont permis à la France de retrouver ses valeurs républicaines et intégrité nationale. Ces faits et leurs conséquences s’inscrivent dans la Mémoire collective et le devoir de Mémoire. À ce titre, les commémorations honorent des jeunes qui n’ont pas craint de s’engager au péril de leur vie afin de redonner la liberté à toute la nation.

Quelques éléments de bibliographie :
- Delpard R., La jeunesse dans la résistance française 1940-1944, Éd. Pygmalion, 2009.
- Drogland J., Des Maquis du Morvan au piège de la Gestapo. André Rondenay, agent de la France libre, Éd. Vendémiaire, coll. "Résistances", 2019
- Jeannet A., Mémorial de la résistance en Saône-et-Loire, Biographie des résistants, Éd. JPM, p.213, 2005.
- Martinet, J-C. , Histoire de l’Occupation et de la Résistance dans la Nièvre, Dijon, EUD, 2015.
- Monchablon A., La manifestation à l’Étoile du 11 novembre 1940, in Histoire et mémoires, Presses de Sciences Po, "Vingtième Siècle. Revue d’histoire", 2011/2 n° 110, p.67-81, 2012.
- Vigreux J., "Le 11 novembre 1943 et la mémoire du massacre de Clamecy", chap.6, pages 153 à 171, in Chapoutot J., Des soldats noirs face au Reich : Les massacres racistes de 1940, PUF, Paris, 2015.
- Vigreux M., Marie, A., Les villages-martyrs de Bourgogne, Éd. par l’ARORM, 1994.

Sitographie :
- Le maquis Mariaux :https://www.moussy58.fr/le-maquis-mariaux
- Les maquis morvandiaux, le musée de la résistance de Saint-Brisson offre de nombreuses ressources pédagogiques dont la lettre de l’ARORM http://museeresistancemorvan.fr/fr/espace-p%C3%A9dagogique/ressources-p%C3%A9dagogiques
- Au sujet de Ginette Marchais : http://mvr.asso.fr/front_office/fiche.php?idFiche=841&TypeFiche=3

Auteur : Marie-Pierre Cerveau.
Mise en page : Angélique Marie.
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