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L’Afrique australe : Dynamiques actuelles dans la mondialisation.

jeudi 8 décembre 2016, par Cécile De Joie

Compte-rendu de la confrence d’Alain Dubresson, donne le 1er dcembre 2016, à l’Universit de Dijon (Amphithâtre du Pôle Economie et Gestion), dans le cadre de formation à la mise en œuvre des nouveaux programmes de gographie du collège, cycle 4.

L’Afrique australe est un espace proposé à l’étude parmi d’autres dans le thème 3 du programme de 4e : "Des espaces transformés par la mondialisation". Le choix de l’Afrique australe peut s’imposer pour deux raisons pédagogiques :
- cet espace permet une réflexion régionale sur le modèle centre-périphérie et l’ébranlement de ce modèle dans la mondialisation ;
- De tous les Etats africains, l’Afrique du Sud est le seul Etat émergent, mais cette situation d’émergence est elle-aussi discutée en lien avec les échelles d’imbrication dans la mondialisation.

Qu’est-ce que l’Afrique australe ?

En 1999, dans cet article, Philippe Gervais-Lambony se posait la question "L’Afrique australe existe-t-elle ?

- La définition de l’ONU (diapo page 2) : 5 Etats, 63 millions d’habitants en 2015.
- Concours ENS 2014 (diapo page 3) : 7 Etats, 106 millions d’habitants en 2015.
- P. Gervais-Lambony (diapo page 4) : 10 Etats, 164 millions d’habitants.
- Afrique des institutions : (diapo 5) La SADC : 15 Etats, 240 millions d’habitants en 2015.

Les chiffres cités sont d’origine Onusienne.

L’Afrique australe : des éléments d’unité.

1. Une Afrique d’altitude et plutôt sèche.
En moyenne, les espaces de l’Afrique australe se situent entre 800 et 1000m d’altitude. Les plateaux centraux sont bordés par des chaînes de montagne très élevées, comme le Drakensberg, qui culmine à plus de 3000m. (diapos 7 et 8)
C’est une Afrique peu humide : Le climat dominant est un climat tropical à longue saison sèche. C’est l’Afrique des savanes et des forêts sèches. Le paysage typique est la forêt claire, en Afrique du sud : le veld. (diapo 11)
Ces milieux naturels offrent des atouts pour le tourisme : parcs nationaux des savanes, chutes Victoria, désert du Namib. (diapos 12,13 et 14). Mais ce sont aussi des milieux très contraignants, où la sécheresse est un problème crucial. Les perspectives du GIEC sont pessimistes pour la région, et prévoient une aggravation de la sécheresse.

2. Une Afrique minière

L’Afrique australe est un coffre-fort minier pour la planète, exploité depuis le XIXe siècle. On y trouve une grande diversité de métaux, du charbon (en Afrique du Sud), ce qui théoriquement aurait pu être favorable à l’industrialisation. La dorsale métallurgique s’étend du Katanga (RDC) jusqu’au Gauteng (AFS) (carte diapo 16).
Ces ressources ont donné naissance à un modèle économique de base, le complexe mineralo-énergétique, aujourd’hui source de blocage dans le développement de ces États. Comment fonctionne ce modèle ?
- le cœur est constitué par les activités d’extraction et de transports (infrastructures ferroviaires et portuaires).
- l’encadrement de ces activités a nécessité le développement de services : assurances, banques spécialisées.
- cet ensemble systémique est régulé par l’État et a été évolutif dans le temps.

En effet, après 1990, la réouverture au monde de l’Afrique du sud, du Zimbabwe, de l’Angola ou du Mozambique s’est produite à un moment où se développe la financiarisation de l’économie globale. Cela a eu pour incidence l’internationalisation des grandes firmes minières sud-africaines, qui se replient alors sur leur cœur de métier, sortant d’Afrique australe et investissant à l’extérieur. Parallèlement, ce sont des IDE qui sont venus occuper les niches en Afrique du sud, désertées par les conglomérats miniers, qui avant investissaient tous les secteurs. Voir diapo page 19 : La mondialisation de la firme Anglo-american et diapo page 20 : IDE en Afrique du Sud, 2008-2012.

Dans la même période, on s’interroge à l’échelon de la gouvernance mondial sur les voies du développement et la place des Etats : Etat développemental et/ou néolibéralisme ? A La Banque Mondiale ou l’ONU, on note un retour de l’Etat dans les discours sur le développement : équilibre "pro-growth/pro-poor" recherché, tentatives de régulation publique par investissements et redistributions. Mais les Etats d’Afrique australe, pour y parvenir, ont des bases très différentes : certains ont des bases minières larges alors que d’autres ont des bases extractives plus réduites, et sont très dépendants du cours d’un seul produit : le pétrole en Angola ou le cuivre en Zambie.

3. Une Afrique de la ségrégation urbaine évolutive.

L’Afrique du Sud, l’ancienne Rhodésie, l’Angola et le Mozambique ont été des colonies de peuplement, mais avec des différences importantes entre Afrique anglophone et Afrique lusophone. Cependant, dans tous les cas, ces pays ont mené des planifications urbaines discriminatoires. Le monde anglophone a hiérarchisé les populations en races, et à l’intérieur des races, selon les revenus. Ce principe de micro-classification a donné naissance à des codes sociaux qui sont encore très forts aujourd’hui, et pèsent sur les sociétés urbaines, la mise à distance sociale s’étant toujours accompagnée d’une mise à distance spatiale (cf. pages 24 et 25 du diaporama).
Aujourd’hui, fragmenta6on urbaine et alignement sur un modèle mondial de « ville éclatée » ? Vers une "atomisation dissolvante" (Marie-France Prévôt-Schapira, 1996) : la ville ne fait plus ville, comme la société ne fait plus société. La ville est composée de cellules indépendantes, qui ne communiquent plus entre elles. Les villes d’Afrique du sud sont déjà éclatées physiquement du fait de la période d’apartheid, et on peut se demander si cela ne favorise pas leur éclatement social ? C’est une question à laquelle il est cependant difficile de répondre, car les processus qui divisent et des processus qui unissent dans les politiques publiques sont repérables. L’éclatement urbain est cependant assez constatable à Luanda par exemple (diapo page 30).

L’Afrique du sud : cœur du modèle régional centre-périphérie : une émergence problématique.

1. Quelques indicateurs.

55,9 millions d’habitants. Le PIB de l’Afrique du Sud représente 15% du PIB africain, 60% de la valeur ajoutée et 50% des emplois salariés industriels du continent. L’Afrique du Sud est un géant à l’échelle du continent africain, mais pas à l’échelle mondial.

Ce leader économique africain repose sur une économie très vulnérable. Les services représentent 63% du PIB en 2015 mais une grande partie de ces services fonctionne en lien avec le complexe mineralo-industriel.

L’Afrique du sud est pionnière dans plusieurs domaines : les énergies renouvelables, les énergies photovoltaïques, possède une centrale nucléaire et un programme nucléaire civil en développement, un satellite sud-africain est déjà opérationnel et la recherche aérospatiale existe.

Malgré tout, la croissance économique est faible par rapport aux autres pays BRICS et même plus faible que dans d’autres pays africains.

2. Emergence ou reprimérisation ?

La croissance économique en Afrique du Sud a été une croissance sans emploi, même dans la période de plus forte croissance. Le taux officiel de chômage actuel est de 27%. La croissance s’est concentrée dans huit métropoles, qui assurent 56% du PIB. Les inégalités géographiques ont été accrues avec la croissance.

- L’endroit de l’émergence : Il y a eu une volonté de réorganiser le territoire, pour assurer plus de redistribution entre espaces riches et espaces pauvres. L’Etat s’est engagé dans la promotion des défavorisés. Des progrès notables ont eu lieu dans le droit au logement, l’accès à l’eau, les aides aux plus démunis. 15 millions de personnes bénéficient d’aides directes, souvent des femmes seules, cheffe de famille dans des foyers décimés par le SIDA.
L’Afrique du Sud s’est affirmée sur le plan international : BRICS depuis 2011, groupe IBAS.

- L’envers de l’émergence : 52% de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’Afrique du Sud est un des pays les plus inégalitaires du monde. L’afflux de migrants venus des pays voisins d’Afrique australe a entraîné des flambées de xénophobie.

La structure spatiale de l’économie d’Af. du Sud : Hubs and spokes, un modèle mondialisé : diapo page 49. Photos et exemples pages 50 à 58.

L’évolution des périphéries : la domination sud-africaine en question.

- Dans un premier cercle, l’Union Douanière d’Afrique australe (SACU), l’hégémonie perdure : domination monétaire et financière.
- Dans un second cercle, la SADC, la zone de libre-échange est favorable à l’Afrique du Sud.
- Des projets d’aménagement dans lesquels l’Afrique du Sud pèse : la question de l’approvisionnement en eau est cruciale pour l’AFS. Un projet hydraulique d’envergure concerne le détournement des eaux du Lesotho par un système de canaux, barrages, réservoirs et conduites souterraines qui inversent le cours des rivières vers l’Afrique du Sud. Le Southern Africa Power Pool est un programme de gestion et production d’électricité à l’échelle de toute l’Afrique australe. Il intègre le barrage Inga III en République Démocratique du Congo. Ce barrage pharaonique devrait fournir 4800 mégawatt, soit l’équivalent de la puissance installée dans toute l’Afrique du Sud. Si l’Afrique du Sud est partie prenante essentielle dans ce projet, les investisseurs chinois le sont également.

Les corridors apparaissent comme des outils d’intégration régionale qui évincent l’Afrique du Sud : corridor transkalahari (diapo page 72-73)

La polarisation de l’Afrique du Sud est remise en question par quatre tendances centrifuges :
- De nouvelles puissances émergent : l’Angola et le Mozambique dont les ressources sont convoitées par la Chine, le Brésil, l’Inde ou la Turquie. Le monde lusophone est très lié au Brésil, et le Mozambique est membre du Commonwealth, se tourne davantage vers l’Inde.
- Des actions bilatérales échappent à l’Afrique du Sud : paretnariats avec l’UE, ou encore AGOA (African Growth and Opportunity Act), qui porte l’offensive des EtatsUnis en Afrique. Ainsi, le Lesotho est devenu le premier fournisseur africain de confection pour les EtatsUnis, ce qui a provoqué une crise du textie en Afrique du Sud
- Dans les processus d’intégration commerciale en cours entre les trois grandes
organisations économiques d’Afrique australe, orientale et au Machrek, l’hégémonie sud-africaine est loin d’être assurée. La concurrence entre États (poids lourds actuels
comme l’Égypte, futurs comme l’Éthiopie) et firmes privées n’est pas en faveur de l’AFS.
- Le rôle de la Chine : un redoutable déstabilisateur du modèle centrepériphérie
de l’Afrique australe. L’Afrique du Sud a été une porte d’entrée pour les investissements chinois en Afrique australe, un hub de marchandises. La Chine
est devenue son premier partenaire commercial (40% des exportations, 44% des
importations) mais aujourd’hui, les projets chinois en Afrique se détourne de l’Af. du sud : ex. la route maritime de la soie qui privilégie l’Afrique de l’est (diapo page 82).

Conclusion : quel devenir pour l’Afrique australe ?

1. Facteurs de vulnérabilité : poids des matières premières minérales, fragilité des complexes minéralo-énergétiques, aléas climatiques (dont sécheresse), construction régionale inachevée et contrariée par des forces extérieures du marché
2. Une question : la SADC peutelle être un acteur de cohésion régionale dans la construction de la zone tripartite de libre échange ?
3. Un constat : tout dépend des choix politiques des États, qui demeurent ambigus, et de la stabilité politique de l’Afrique du Sud, qui devient un problème