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L’impact des réformes juridiques favorables aux femmes dans plusieurs pays africains.

jeudi 26 janvier 2017, par F.Gaveau, Jean-François Boyer

Fabien Gaveau propose un compte rendu de lecture où huit contributions questionnent l’impact des rformes juridiques favorables aux femmes dans plusieurs pays africains

Compte rendu publié dans Études rurales, 2ème semestre 2015

Stefanie Röhrs and Dee Smythe with Annie Hsieh and Monica de Souza, In Search of equality. Women, Law and Society in Africa, Cape Town, University of Cape Town Press, 2014, 252 p.

Issues d’un programme de recherche de l’Association des Constitutionnalistes africains, huit contributions questionnent l’impact des réformes juridiques favorables aux femmes dans plusieurs pays africains.

Tous les contributeurs, juristes de formation, ont une expérience de praticiens du droit. Deux questions les guident. Quels sont les changements depuis 50 ans en matière juridique au sujet des droits des femmes ? Quelle est aujourd’hui la réalité de ces droits ?

L’introduction insiste sur la pluralité des ordres juridiques soutenant les droits des individus en Afrique. Les lois constitutionnelles et les conventions internationales ratifiées par les États ouvrent des droits qui rencontrent les coutumes, les préceptes religieux, les lois issues de la colonisation et la législation civile et pénale postcoloniale.

Plusieurs textes démontrent le nécessaire couplage entre les actions juridiques et les actions sociales et politiques pour rendre effectives les garanties fondées en droit, comme le fait Diane Hubbard avec le cas de la Namibie. Ada Okoye Ordorle le démontre également avec l’action d’associations de défense des droits au Nigéria. Elles facilitent l’inclusion des normes constitutionnelles dans le quotidien. Marie Agathe Bahi ajoute qu’en Côte-d’Ivoire les institutions politiques pourraient mieux agir pour instiller socialement le droit favorable aux femmes.
Le défaut d’accompagnement des États dans la mise en œuvre des mesures constitutionnelles s’ajoutent aux faiblesses des femmes. Mikateko Joyce Maluleke l’illustre avec les épouses polygames théoriquement protégées par la loi sur les mariages coutumiers de 1998 en Afrique du Sud. Wendy Isaak (Afrique du Sud) ajoute que ce pays, dont le droit se fonde sur le refus des discriminations, ne considère pas celles liées à l’orientation sexuelle. Les crimes contre les femmes noires homosexuelles le démontrent.

Avec l’étude du Malawi, Maureen Kondowe (Essex) observe qu’un arsenal constitutionnel protecteur des femmes est une avancée incomplète tant que l’État ne se donne pas les moyens de les rendre opératoires.

Deux contributions illustrent particulièrement ces points. Florence Akiki Asiimwe commente la situation juridique des veuves en Ouganda. La transmission des biens répond à des logiques patrilinéaires. Pourtant, la Constitution de 1995 garantit aux femmes le droit à hériter de l’époux. Le parlement en a subtilement précisé l’application en insistant sur l’usufruit plus que sur la pleine propriété. Pire, toujours en vigueur, la loi sur les héritages de 1972 rejoint les coutumes très restrictives à l’égard des veuves.

La polygamie amplifie les difficultés. La loi sur l’enregistrement des propriétés permet théoriquement à chaque époux de stipuler la part des biens lui appartenant et d’indiquer à qui elle revient après décès. Par habitude cependant, les hommes seuls sont associés à un titre de propriété, empêchant les veuves de revendiquer leur avoir.

La situation juridique des femmes pauvres au Rwanda est le second cas. Eugene Manzi explique qu’après la crise de 1994-1995 le pays a adopté une constitution et un arsenal juridique très favorable aux femmes sans annuler des dispositions contraires qui se perpétuent.

Le sort d’une femme illustre la situation. Pauvre, battue par son époux, elle se plaint à la police qui considère les coups comme une affaire privée malgré une loi punissant la violence conjugale. Si cette femme demande le divorce pour violence, elle doit quitter son domicile, chose impensable au vu de sa condition. Si elle quitte le foyer, elle encourt des poursuites pour abandon de domicile. Si elle demande la séparation de corps et de biens, le mari garde les biens et elle ne bénéficiera d’aucune aide de l’État, à la différence d’une femme divorcée. Les lois civiles lui sont défavorables.

La possibilité théorique d’en appeler aux instances judiciaires nationales pour se défendre exige une provision trop élevée pour ouvrir le dossier. Toutefois, une action collective est possible pour dénoncer les dispositions civiles contraires aux droits reconnus constitutionnellement. Les décisions des hautes cours étant peu diffusées, leurs effets demeurent réduits.

Le traitement du dossier n’omet ni la généalogie des cadres juridiques, ni le contexte propre à chaque société, ni la puissance des habitudes patriarcales qui réduisent l’expression des femmes, sauf quand elles peuvent s’assembler pour agir. Ajoutons que les cas abordés s’inscrivent presque tous dans des États influencés par le droit anglais. Un regard sur d’autres traditions juridiques serait intéressant.

Les chercheurs des sciences sociales et humaines gagneront à consulter cet ouvrage. Il décrit combien sont présentes les intentions et les initiatives destinées à améliorer le sort des femmes. Les experts internationaux le répètent à l’envie, la situation des femmes est déterminante dans le développement des États. Ceux d’Afrique ici étudiés semblent en avoir pris la mesure. Beaucoup reste cependant à construire pour traduire au quotidien les promesses du droit.

Fabien Gaveau

Voir les articles sur l’Afrique :
Compte-rendu de la conférence d’Alain Dubresson, donnée le 1er décembre 2016, à l’Université de Dijon (Amphithéâtre du Pôle Economie et Gestion), dans le cadre de formation à la mise en œuvre des nouveaux programmes de géographie du collège, cycle 4.
http://histoire-geographie.ac-dijon.fr/spip.php?article895#895