search

Accueil > Enseigner > Collège. > Histoire des arts. > L’émergence de l’idée nationale : le cas de l’Italie

L’émergence de l’idée nationale : le cas de l’Italie

samedi 5 mai 2012, par M. Bertrand

Titre de séance

L’émergence de l’idée nationale : le cas de l’Italie

 

Séquence : XIXe siècle - L’affirmation des nationalismes

Niveau : quatrième (possible adaptation en seconde pour le thème « Libertés et nations en France et en Europe dans la première moitié du XIXe siècle »)

 

Les coulisses de la leçon

Cette leçon est née de la volonté de diversifier l’approche de l’histoire des arts en collège.

Avec plusieurs collègues de français, histoire, éducation musicale et arts plastiques, nous nous sommes aperçus que nous avions peut-être un peu trop vite évacué la question de l’opéra au profit du théâtre.

Pourtant, l’opéra présente l’avantage de recouvrir plusieurs « domaines artistiques » parmi ceux recommandés par les textes officiels :

 - Les « arts de l’espace » puisque les décors ont souvent pour ambition de recréer une époque par l’intermédiaire d’une architecture,

 - Les « arts du langage » avec cette forme d’écriture singulière à l’opéra,

 - Les « arts du son »,

 - Les « arts du spectacle vivant »,

 - Les « arts du visuel ».

Notre surprise fût d’autant plus grande de constater que l’opéra n’apparaissait pas explicitement parmi les objets mentionnés.

 

Problématique

En quoi l’opéra Nabucco de Verdi est-il révélateur de l’émergence du sentiment national italien ?

 

Objectifs

 - Savoir définir les notions suivantes : Nation, Patriote

 - Connaître et utiliser les repères suivants :

 * 1842 : Nabucco de Verdi

 - Compétences spécifiques du socle

 * Situer des œuvres artistiques dans le temps, l’espace et les civilisations (C5.2)

 

TICE

 - Vidéo projecteur

 

Démarche

Séance de 55 minutes

Temps 1 :

Les élèves reçoivent au préalable une fiche préparatoire qu’ils doivent compléter à la maison (travail de recherche simple permettant de réaliser une fiche d’identité de l’œuvre étudiée) (voir pièce-jointe « travail préparation »).

Temps 2 :

Alternance d’activités individuelles courtes et de cours dialogué sur :

 - Le contexte historique de l’œuvre (documents : carte de la péninsule italienne avant 1848 et extrait de Giuseppe Mazzini parlant de nation italienne en 1845)

 - Le sens politique et historique de l’œuvre (documents : paroles originales et traduction du refrain de Nabucco ; gravure anonyme de 1859 présentant des patriotes italiens protestant contre l’interdiction d’un opéra de Verdi) (voir pièce-jointe « fiche de travail en classe »).

Temps 3 :

La séance se termine par une mise en perspective artistique et mémorielle :

 => Projection d’un extrait de Senso de Visconti (1954) qui met en scène une manifestation nationaliste italienne lors d’une représentation de Le Trouvère (un autre opéra de Verdi).

Les élèves sont invités à repérer l’organisation socio-spatiale de l’opéra (Autrichiens / patriotes italiens) et l’utilisation des couleurs du futur drapeau italien.

 => Projection d’un extrait de la représentation de Nabucco dirigé par Riccardo Muti, le 12 mars 2011 à l’occasion du 150ème anniversaire de l’unité italienne à l’opéra de Rome, en présence de Silvio Berlusconi.

Le professeur traduit et explique en simultané les propos du chef d’orchestre et laisse ensuite les élèves profiter de l’œuvre. 

(Voir en annexe quelques documents complémentaires pour le professeur)

 

Bilan

Cette séance a été testée avec deux classes de quatrièmes de niveaux différents.

Elle a plutôt bien fonctionné et suscité l’intérêt des élèves qui, pour certains, n’avaient aucune idée de ce que pouvait être un opéra.

Le principal intérêt de cette activité repose sur la réflexion qu’elle permet d’enclencher dans l’esprit des élèves sur l’utilité de l’enseignement d’histoire des arts.

Beaucoup ont été touchés par la représentation de Nabucco dirigée par Ricardo Muti et ont souhaité approfondir la réflexion car l’extrait dégage une émotion très forte qui ne laisse pas indifférent. Nous avons ainsi pu approfondir ensemble :

 - la force du sentiment national construit au XIXème siècle et encore en vigueur aujourd’hui,

 - la place et le rôle de l’art qui accompagne et/ou témoigne souvent des grandes étapes de l’histoire des sociétés. 

 

Les références bibliographiques

 - « L’Italie », in L’Histoire (Les Collections), numéro 50, janvier-mars 2011.

 - P. MILZA, Histoire de l’Italie des origines à nos jours, Paris, Fayard, 2005.

 - J.-Y. FRETIGNE, Giuseppe Mazzini, Père de l’unité italienne, Paris, Fayard, 2006.

 - P. GUICHONNET, L’Unité italienne, Paris, PUF, 1961.


Annexes

1. Senso de Visconti

Senso est un film italien de Luchino Visconti sorti en 1954, tourné à Vérone et tiré du bref récit de Camillo Boito (1883).

Sa scène d’ouverture se déroule en 1866, dans la ville de Venise, qui est encore sous contrôle autrichien alors que l’Italie est sur le point d’être unifiée. Une manifestation nationaliste italienne interrompt une représentation de l’opéra Le Trouvère (un autre opéra de Verdi) donnée à La Fenice. Son organisateur, le marquis Roberto Ussoni, membre du mouvement révolutionnaire clandestin, provoque en duel un officier de l’armée autrichienne d’occupation, Franz Mahler, qui s’est moqué de la manifestation.


2. Le 150ème anniversaire de l’unité italienne

Le 12 mars 2011, l’Italie fêtait le 150ème anniversaire de sa création et à cette occasion fut donnée, à l’opéra de Rome, une représentation de Nabucco de Giuseppe Verdi, dirigé par Riccardo Muti.

Avant la représentation, Gianni Alemanno, le maire de Rome, est monté sur scène pour prononcer un discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture du gouvernement.

Cette intervention politique allait produire un effet inattendu, d’autant plus que Sylvio Berlusconi en personne assistait à la représentation…

Riccardo Muti, le chef d’orchestre, raconte ce qui fut une véritable soirée de révolution : « Nous avons commencé l’opéra. Il se déroula très bien, mais lorsque nous en sommes arrivés au fameux chant Va Pensiero, j’ai immédiatement senti que l’atmosphère devenait tendue dans le public. Il y a des choses que vous ne pouvez pas décrire, mais que vous sentez. Auparavant, c’est le silence du public qui régnait. Mais au moment où les gens ont réalisé que le Va Pensiero allait démarrer, le silence s’est rempli d’une véritable ferveur. On pouvait sentir la réaction viscérale du public à la lamentation des esclaves qui chantent : « Oh ma patrie, si belle et perdue ! ».

Alors que le Chœur arrivait à sa fin, dans le public certains s’écriaient déjà : « Bis ! » Le public commençait à crier « Vive l’Italie ! » et « Vive Verdi ! » Des gens du poulailler (places tout en haut de l’opéra) commencèrent à jeter des papiers remplis de messages patriotiques – certains demandant « Muti, sénateur à vie ».

Muti hésita à accorder le « bis » pour le Va pensiero. Pour lui, un opéra doit aller du début à la fin.

Mais le public avait déjà réveillé son sentiment patriotique. Dans un geste théâtral, le chef d’orchestre s’est alors retourné sur son podium, faisant face à la fois au public et à M. Berlusconi, et voilà ce qui s’est produit : Après que les appels pour un "bis" se soient tus, on entend dans le public : "Longue vie à l’Italie !"

Le chef d’orchestre Riccardo Muti : Oui, je suis d’accord avec ça, "Longue vie à l’Italie" mais... Je n’ai plus 30 ans et j’ai vécu ma vie, mais en tant qu’Italien qui a beaucoup parcouru le monde, j’ai honte de ce qui se passe dans mon pays. Donc j’acquiesce à votre demande de bis pour le "Va Pensiero" à nouveau. Ce n’est pas seulement pour la joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais le Chœur qui chantait "O mon pays, beau et perdu", j’ai pensé que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l’histoire de l’Italie est bâtie. Auquel cas, nous, notre patrie, serait vraiment "belle et perdue".

[Applaudissements à tout rompre, y compris des artistes sur scène]

Depuis que règne par ici un "climat italien", moi, Muti, je me suis tu depuis de trop longues années. Je voudrais maintenant... nous devrions donner du sens à ce chant ; comme nous sommes dans notre Maison, le théâtre de la capitale, et avec un Chœur qui a chanté magnifiquement, et qui est accompagné magnifiquement, si vous le voulez bien, je vous propose de vous joindre à nous pour chanter tous ensemble ».

C’est alors qu’il invita le public à chanter avec le Chœur des esclaves. « J’ai vu des groupes de gens se lever. Tout l’opéra de Rome s’est levé. Et le Chœur s’est lui aussi levé. Ce fut un moment magique dans l’opéra. »

« Ce soir-là fut non seulement une représentation du Nabucco, mais également une déclaration du théâtre de la capitale à l’attention des politiciens. »

D’après www.agoravox.fr