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Compte rendu : Colloque "religions et sacralités en révolution", Paris, 29 novembre 2011, organisé par l’IESR-EPHE, le CARE-EHESS et l’IGEN

mercredi 14 décembre 2011, par J-P Chantin

La journée du 29 novembre était plus
particulièrement consacrée aux thématiques concernant la Révolution française
et ses suites au XIXe siècle. Il s’agissait d’apporter un regard scientifique
sur la question, par l’intervention de chercheurs spécialistes, et de réfléchir
au traitement de cette question dans les programmes du collège et du lycée.

 

 Les
inspecteurs généraux présents, Mme Desbuissons et M.Néant, ont souligné la
difficulté du double thème qui introduit la question de la complexité en
histoire, une difficulté vis-à-vis d’élèves encore jeunes. La maigre formation
des enseignants sur le fait religieux, voire leur méconnaissance du
renouvellement des travaux sur la Révolution, les conduit à être mal à l’aise
sur ces questions, ou à ne les traiter que sous l’angle d’un malheureux
manichéisme : "la révolution contre la religion". Il est aussi
difficile de privilégier des études de cas, par exemple à partir de sources
locales ou régionales qui éviteraient pourtant une approche trop "parisienne",
quand la trame générale n’est pas maitrisée, même si Dominique Borne engage à
partir des acquis des classes précédentes. On signalera pour le fait religieux
l’utilité du site de l’Institut Européen en Sciences des Religions qui fournit
nombre de renseignements pratiques (http://www.iesr.ephe.sorbonne.fr/).

 Sans
reprendre toutes les interventions, on peut dégager quelques pistes utiles. Il
ne faut pas perdre de vue que cette histoire se comprend à la fois sur le temps
long et la permanence, en même temps que la rupture et l’évènementiel, comme le
montre l’élaboration de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen,
texte fondateur mais inachevé, mis en perspective par Valentine Zuber. Il ne
faut pas couper 1789 d’une histoire que Jean-Clement Martin qualifie de
"bain cultuel", et aller au-delà des habituelles Lumières : il s’agit
du dernier des mouvements révolutionnaires européens, le seul réussi par
ailleurs, qui s’inscrit aussi dans des mouvements de contrôle des Eglises, par
exemple par Joseph II dans les Etats autrichiens, et même du désir de certains
catholiques d’un renouvellement ou d’une régénération. La rupture vraiment
révolutionnaire ne survient qu’à partir de 1792, quand chaque camp se
radicalise et que les mémoires, qui courent longtemps ensuite, se forment. Mais
il persiste toujours la conscience d’une nécessité de la religion qui
unifierait la nation, du culte de l’Etre suprême au régime concordataire de
Bonaparte à partir de 1801 et jusqu’en 1905, ce qui entraine un siècle de
discussion autour d’une laïcité qui s’établit peu à peu (Philippe Boutry). Une
étude de cas, comme celle présentée par Dominique Julia pour la destinée des
processions autour des reliques à Corbeil entre 1788 et 1793, doit tenir compte
de ces différentes temporalités et de la complexité des rapports entre
révolution et religion. Il en est de même pour les mouvements révolutionnaires
postérieurs : 1848 et les cas de "Christs révolutionnaires" qui
sont repris de thématiques plus anciennes mais réinterprétées (Isabelle
Saint-Martin), ou la Commune pour laquelle il convient de modérer la politique
anticléricale engagée en faisant la part des circonstances, de l’intervention
populaire qui déborde les autorités, ou du rôle de l’opposition versaillaise
(Jacques-Olivier Boudon).

 Pour
résumer, il a été admis qu’il faut se garder de tout manichéisme en
s’interrogeant d’abord sur les mots et leur complexité malheureusement occultée
par l’amalgame. Qu’est-ce que "la" Révolution, "le"
christianisme en ces temps de remise en cause ? Mais attention : il ne
s’agit pas de rendre compte de toute la complexité des événements et des
changements, une tâche qui est dévolue aux chercheurs et que l’enseignant ne
peut pas transmettre in extenso. Comme « enseigner c’est choisir »,
le professeur devra orienter son cours autour d’une question simple, en prenant
garde de préserver une part d’approche critique elle aussi formatrice. Une
trame claire pour travailler cette complexité serait d’aborder comme
problématique générale ce qu’est à cette époque la fabrique du citoyen. En ce
sens, l’approche par le biais du religieux, qui n’est proposé au choix qu’en
classe de 4e, permet de toucher à la vie de chacun, à la
réorganisation de son paysage mental comme des valeurs constitutives de la
nation d’où la question de leur mise en pratique par l’Etat au XIXe siècle,
mais aussi au-delà.

Résumé par Jean-Pierre CHANTIN, professeur agrégé au lycée Lamartine
(Mâcon), chercheur de l’équipe RESEA (université Lyon 3).