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Jouons ensemble !

jeudi 18 mars 2021, par G. Juilleron

Trois expériences de ludification en classe. Gwendoline Juilleron propose un retour d’expériences autour de la place du jeu dans l’enseignement et au sein des apprentissages.

La place du jeu dans l’enseignement et au sein des apprentissages est un dispositif qui questionne, fascine ou préoccupe selon les personnes.

La ludification est souvent critiquée car elle laisse à penser que l’enseignant s’abaisse, réduit ses exigences ! C’est tout l’inverse mais c’est un changement de posture qu’il est parfois délicat d’envisager. Le jeu, sous toutes ses formes, prend une place de plus en plus importante dans la classe. Pas question ici de faire un tableau exhaustif des jeux pédagogiques, mais plutôt un retour d’expérience.

On rencontre des jeux de plateau, des jeux vidéo ou des « escapes game », de la maternelle à la Terminale et même au-delà. Petit à petit le jeu fait son nid.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le jeu ne s’improvise pas. Il faut très bien connaitre son sujet et les techniques d’apprentissages pour se lancer dans le jeu. La pédagogie du ludique, comme tout autre forme de pédagogie, a ses forces et ses limites. Elle convient à certains et peut déplaire à d’autres. Elle peut aider à mieux saisir certaines notions, certains concepts comme d’autres pédagogies peuvent le faire. Elle n’est pas exclusive et doit reposer sur 2 piliers : (source Duquesnoy, Gilson, Lambert, Préat, 2019)


-  la foi de l’enseignant dans l’intérêt de mener un projet ludique
-  la pédagogie du ludique procède par détour, par de l’indirect, c’est-à-dire que l’apprenant n’est pas ou peu conscient du but visé. Une clarification, un retour après le jeu est donc indispensable à la structuration de tout apprentissage.

J’ai mené de nombreuses expériences de ludification depuis 2013, surtout en section européenne mais pas exclusivement. Voici quelques projets menés si cela vous dit de tenter l’aventure.

LE JEU DE ROLE :

Ce jeu est adaptable à toutes les disciplines et tous les niveaux. Par contre c’est un jeu qui s’anticipe ! Il faut préparer les cartes des personnages ou les faire préparer aux élèves, poser le décor en lien avec le cours… Par exemple, en section européenne en classe de Seconde, les élèves réinvestissent le vocabulaire, et les mécanismes d’organisation de la société féodale en pratiquant un petit jeu de rôle à l’occasion d’un procès dans une communauté villageoise. Le cours est fait en amont, ils maitrisent le vocabulaire spécifique.

-* Séance 1 : Ils construisent un village, ils lui donnent un nom, et ils le peuplent. Les élèves sont les habitants. Ils doivent se doter d’un nom de l’époque et effectuant des recherches, d’un âge, d’une profession et de lien de parenté entre villageois. Une fois cette carte d’identité établie, nous dressons une carte mentale du village. C’est souvent un moment drôle ou les élèves réalisent de savoureux mélanges familiaux et révisent le vocabulaire de la famille. Il doit y avoir dans la communauté villageoise un seigneur (lord) et sa femme (lady), un chevalier (knight), un prêtre (priest), un boulanger (baker) et en fonction du nombre d’élèves dans le groupe classe on peut ajouter un maréchal ferrant (blacksmith) et en charpentier (carpenter), tous les autres sont des paysans (peasant).

-* Séance 2 : 3 élèves sont tirés au sort, et chacun d’entre eux est accusé d’un délit (trahison (treason) , colportage de rumeur (gosssiping) et sorcellerie (witchcraft)). Les accusés doivent préparer un discours de défense, pendant que les notables du village (Seigneur et sa femme, le chevalier et le prêtre) préparent des questions pour le procès. Le jour du procès arrive et les uns se défendent pendant que les autres les questionnent. Le reste de la classe, doit réagir aux différents propos en huant, protestant, approuvant voire en rajoutant des informations supplémentaires accablant ou disculpant les accusés. Selon, l’imagination des élèves cette phase peut complètement changer la face du procès (acquittement ou condamnation à mort). Une sanction est décidée par les notables du village, elle correspond à une sanction qui a été étudiée en classe. La sanction doit être justifiée par les notables.

Chaque année les élèves apprécient cette partie du cours. Ce jeu de rôle dure 2 heures et il permet de réinvestir du vocabulaire, d’approfondir par des recherches certains aspects de la vie quotidienne, de libérer la parole en classe en incarnant un personnage. La collaboration entre élèves est au cœur de cette activité, et la créativité de certains peut être mise en avant. En créant une communauté villageoise, c’est un groupe classe qui sort renforcé.

JEU DE PLATEAU :

A l’ occasion d’une collaboration avec une classe américaine, nous avons construit un jeu de plateau pour nos correspondants. Les élèves ont fabriqué de A à Z un jeu qui a été envoyé aux Etats-Unis. En échange, nous avons reçu un jeu fabriqué par eux. Les élèves ont élaboré les règles du jeu, les questions, les pièces à jouer, le plateau… Ce fut un projet lissé sur l’année mais quelle joie de travailler en s’amusant. Les questions étaient bilingues (français/ anglais), et portaient sur le programme d’Histoire –Géographie de Seconde. Pour ce projet chacun a joué un rôle et devait suivre un planning d’action. Toutes les décisions et les propositions formulées par les élèves ont été prises en classe à la suite de votes. Chaque proposition était présentée, argumentée et votée, ce qui permet de glisser un petit peu d’EMC dans le projet ! Une fois imprimé et plastifié les élèves ont pu jouer avant de l’envoyer à nos correspondants.

ESCAPE GAME :

L’escape game a le vent en poupe…. On peut en faire en classe en présentiel ou en version numérique. J’ai tenté l’escape game sur le Révolution française en 1ere en guise d’activité finale de chapitre. C’est un lourd travail, et en classe avec 36 élèves cette activité n’est pas évidente. Si pour les deux premières actions, l’ensemble des élèves ont joué le jeu, il faut reconnaitre que cette dernière a rencontrée des élèves plus attentistes. C’est certainement l’effet du nombre, il faudrait pratiquer en demi-groupe, et prévoir de ce fait une fin alternative ou des codes différents pour éviter les fuites…

J’ai trouvé un escape game en ligne (lien ici) pour les SEGPA et je l’ai adapté à mon programme et au niveau 1ere. Cet escape game reposait sur des codes à briser ou à combiner avec des indices cachés dans la classe. (Code à lettre dans des partitions de musique, code à chiffres avec des dates clefs de la révolution, code couleur, et codage de message à déchiffrer). L’avant dernier code permettait d’ouvrir la porte de la salle adjacente pour trouver le dernier indice révélant la solution ! Cet enchaînement d’action se fait en réinvestissant les notions, dates, personnages clefs du chapitre. Le élèves s’organisent naturellement en petit groupes et s’échangent les informations pour avancer. En qualité de maitre du jeu, je circule dans la classe pour distiller des conseils si besoin. Une musique de fond plonge les élèves dans une ambiance d’une enquête et un timer est affiché au tableau, car tout ceci doit être bouclé en 45 min sinon c’est la guillotine ! Je vous rassure, ils sont tous sortis à temps.

LES JEUX NUMERIQUES :
Il est aussi possible de faire de petits jeux de consolidation d’apprentissages, de révision avant évaluation, de découverte de chapitre avec les nombreuses applications disponibles en ligne (genially, moodle académique ou dans l’ENT, H5P pour wordpress si vous avez un blog, LearningApps, kahoot….) Il est très facile de faire un « qui veut gagner de millions » numérique, un jeu de l’oie, un escape game ou autre pour vos élèves.

Comme je le dit à mes élèves la seule limite c’est votre imagination, mais pour les enseignants, je rajouterais bien, le temps que vous avez envie d’y consacrer. Selon le type de jeu envisagé, il faut être au clair avec la gestion de projet (objectifs, répartition de tâches, planning, validation des décisions…). On peut construire des jeux pour et ou avec les élèves mais rien n’interdit de prendre des jeux déjà adaptés à la discipline !

Enfin, le jeu peut servir de support pour des évaluations. Le jeu permet à l’enseignant d’observer les élèves en action, d’observer les acquis et la réflexion, et le produit du jeu. Toutes ces phases sont également évaluables. L’enseignant peut évaluer le respect des consignes, les phases de préparation, de mise en action, la collaboration comme les productions finales. Libre à chacun de construire ses grilles de validation.

J’espère que jouerez bientôt avec vos élèves !

Gwendoline Juilleron

Quelques liens :
http://www.lepetitjournaldesprofs.com/reseauludus/
https://www.youtube.com/channel/UC6ag95g5LrCRPnQDNpQlR4g
https://www.youtube.com/watch?v=uwgQOsWhIlo