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Pour une évaluation participative et sociale

mardi 8 novembre 2016, par M. Bertrand

Source de stress tant pour les lèves que pour les enseignants, les valuations occupent une place centrale dans le système ducatif français.

Plan de l’article

  1. Les problématiques rencontrées
  • Les pistes de solutions pour gagner du temps
    • Abandonner “les devoirs à la maison au profit d’activités préparatoires non-discriminantes
    • L’évaluation automatisée
    • Abandonner les évaluations notées en cours de formation au profit de véritables évaluations formatives
    • L’évaluation par les pairs
    • Les outils numériques
  • Les pistes de solutions pour gagner en efficacité
    • L’auto-évaluation
    • L’évaluation de confiance
    • Pour une évaluation véritablement différenciée
  • Vers une application de suivi des élèves
    • Cahier des charges
    • Principales fonctionnalités
  • Conclusion
  • Orientations bibliographiques

I. Les problématiques rencontrées

Bien que les pratiques en termes d’évaluation ne soient pas homogènes (en fonction des niveaux, des disciplines et des enseignants), quelques problématiques communes reviennent régulièrement dans la littérature sur le sujet :

  • Comment éviter d’entretenir, voire de renforcer par notre système d’évaluation des inégalités socio-scolaires déjà tellement criantes au sein de l’école ? Le rapport sur l’état de l’école publié chaque année par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) montre à quel point les inégalités sociales et territoriales entre les élèves persistent dans notre système éducatif, à un niveau d’ailleurs bien supérieur aux autres pays de l’OCDE.
  • Comment mobiliser l’évaluation au service de la lutte contre le décrochage scolaire ? Le cercle vicieux des mauvaises notes est en effet considéré comme l’un des facteurs prépondérants de la baisse de motivation chez les élèves potentiellement décrocheurs qui, à force de s’entendre répéter qu’ils n’ont pas les bases leur permettant de progresser, finissent par abandonner.
  • Comment parvenir à se détacher d’une évaluation trop souvent calquée sur le modèle des examens alors que les instructions officielles nous invitent à évaluer en cours de formation bien d’autres compétences que celles mobilisées lors de ces épreuves certificatives ?
  • Comment fournir des appréciations plus denses et plus objectives (sur les copies, sur les bulletins, sur le livret scolaire) qui ne soient pas vécues par les élèves comme une sanction, ni comme un jugement, mais comme un outil au service des apprentissages et de la progression des élèves ?
  • Comment réduire le temps de travail fastidieux consacré à l’évaluation/notation des élèves au profit d’activités permettant la mise en oeuvre d’un véritable accompagnement dans le processus d’apprentissage ? Combien d’enseignants, après avoir vu les élèves ranger leur copie au fond du sac en jetant un simple coup d’oeil à la note, ont en effet été tentés de raccourcir leur temps de correction en s’épargnant la rédaction des commentaires dans la marge ? Combien d’élèves ont ainsi raté de précieuses occasions de progresser ? Cette situation est d’autant plus désespérante que le temps de correction des copies représente en moyenne 14% du temps de travail des enseignants et peut même atteindre 15,7% du temps de travail pour les professeurs des disciplines littéraires et les sciences sociales.

II. Les pistes de solutions pour gagner du temps

Abandonner les “devoirs à la maison au profit d’activités préparatoires non-discriminantes

Il s’agit d’un des dispositifs fondamentaux de ce qu’il convient désormais d’appeler la “classe inversée.

Les études les plus récentes sur le travail personnel montrent en effet que les devoirs à la maison sont généralement peu rentables et renforcent les inégalités sociales entre les élèves dont les parents (ou un substitut rémunéré) peuvent assurer un suivi et les élèves qui se retrouvent seuls le soir face à leur cahier et leurs difficultés. Le travail à la maison est par ailleurs souvent mal vécu par les élèves et leurs parents car il est souvent source d’angoisse, voire de conflits au sein de la sphère familiale qui aura tendance à en faire porter la responsabilité sur l’école.

Cela ne signifie pas cependant qu’il faille abandonner toute forme de travail personnel, mais uniquement celui qui pourrait mettre en difficulté l’élève lorsque le professeur n’est pas à ses côtés pour l’accompagner. Cela revient concrètement à abandonner les exercices d’application des compétences qui composent très majoritairement les “DM évalués.

A l’inverse, on peut judicieusement remplacer ces devoirs à la maison par des “activités préparatoires de bas niveau cognitif qui ont le mérite de responsabiliser les élèves dans la construction et l’avancement du cours, tout en libérant du temps de transmission des connaissances en classe au profit d’activités cognitivement plus exigeantes et souvent bien plus intéressantes pour les élèves.

Concrètement, je demande par exemple à mes élèves de Seconde de regarder une courte vidéo sur les Grandes Découvertes en complétant un questionnaire qui me permet de les accompagner dans l’acquisition des connaissances essentielles du cours. Après m’être assuré de la maîtrise de ces éléments en début de séance et avoir répondu à d’éventuelles questions, il nous est alors possible d’envisager ensemble une tâche complexe (de préférence différenciée) centrée autour d’un aspect plus précis des connaissances et/ou de compétences particulières.

Si les activités préparatoires ne sont pas systématiquement notées, la plupart des élèves le demandent car ils les réalisent généralement avec beaucoup de sérieux et comprennent rapidement l’intérêt d’une telle démarche.

L’évaluation automatisée

Lorsqu’il est mis au service de la pédagogie, le numérique constitue un moyen extraordinaire pour gagner du temps de correction, notamment dans le cadre de l’évaluation de l’acquisition des connaissances. Les dizaines de milliers d’enseignants qui utilisent désormais quotidiennement Google Formulaire ne s’y sont pas trompés. Que ce soit pour l’évaluation des “activités préparatoires ou pour le contrôle des connaissances en fin de séquence, l’utilisation d’un questionnaire en ligne permet d’économiser des centaines d’heures de correction et des kilos de papier.

Précisons en préalable aux esprits les plus réfractaires qu’il ne s’agit en aucun cas de remplacer toutes les évaluations par des questionnaires à choix multiples (QCM). A l’inverse, il serait absurde de s’en passer lorsque cela peut permettre de gagner à la fois en temps et en efficacité.

Encore faut-il néanmoins avoir réfléchi au préalable à cet outil pour en cerner les potentialités et les limites pédagogiques. Par exemple, l’utilisation d’un QCM permet d’aller beaucoup plus loin qu’une simple récitation pour vérifier la maîtrise d’une notion car il permet, en modifiant la formulation, de distinguer l’élève qui a appris par coeur une définition sans la comprendre de l’élève qui a véritablement compris la notion et est en mesure de la réinvestir dans d’autres contextes. Le QCM possède néanmoins des limites intrinsèques telles que la place du hasard (dont la signification statistique devient néanmoins de plus en plus négligeable quand le nombre des questions augmente).

Le tutoriel ci-joint permet de découvrir les principales fonctionnalités de Google Formulaire et du module complémentaire Flubaroo permettant d’obtenir un tableau statistique des résultats de l’évaluation :

Abandonner les évaluations notées en cours de formation au profit de véritables évaluations formatives

La plupart des enseignants ont appris à distinguer l’évaluation sommative de l’évaluation formative. Si la première est généralement placée en fin de séquence afin d’établir un bilan de la somme des acquis à l’issue d’une phase d’apprentissage, la seconde s’inscrit dans le processus de formation, à un moment où l’élève peut mobiliser différentes ressources, travailler en équipe, prendre davantage de temps, etc.

Cependant, puisqu’elles portent le nom d’ “évaluations, ces activités font très souvent l’objet d’une notation par les enseignants qui l’utilisent d’ailleurs parfois comme un moyen de s’assurer que l’exercice est réalisé avec suffisamment de sérieux par les élèves. Ces derniers l’acceptent d’autant plus volontiers qu’ils considèrent ces exercices comme une forme de rattrapage d’éventuelles mauvaises notes en évaluation sommatives (qu’ils appellent généralement les “contrôles).

Sauf qu’en utilisant l’évaluation formative dans cette perspective, on minimise fortement son objectif initial, à savoir celui d’accompagner le processus d’apprentissage en apportant aux élèves un retour d’informations sur leur production favorisant la confiance et la motivation nécessaires au dépassement de leurs erreurs.

Même si l’enseignant explicite systématiquement la différence entre une évaluation sommative et une évaluation formative, même s’il applique des coefficients différents à ces activités respectives, il n’en demeure pas moins qu’aux yeux des élèves et de leurs parents, l’évaluation reste une évaluation tant qu’elle est notée ! Par conséquent, elle demeure stratégiquement une évaluation susceptible d’augmenter une moyenne qui, à la fin du trimestre, sera de toute façon l’élément principal pris en compte lors du conseil de classe.

C’est pourquoi il me semble judicieux de réfléchir à l’utilisation des évaluations formatives pour se libérer progressivement des notes. S’il n’est en effet pas encore possible de s’affranchir administrativement des notes (dont la docimologie a pourtant montré depuis longtemps les limites), une désintoxication en douceur est envisageable afin de ne pas trop brusquer les élèves et leurs parents qui sont souvent les plus attachés à cette échelle. Comme le précise Alain DIGER, doyen des inspecteurs pédagogiques de l’académie d’Orléans-Tours et instigateur d’une expérimentation en cours sur l’évaluation, l’objectif n’est pas “de faire disparaître la note pour le plaisir de la faire disparaître, mais d’en promouvoir un usage raisonné pour renforcer la qualité des apprentissages. La note sert en effet aujourd’hui “davantage aux élèves à se situer les uns par rapport aux autres qu’à identifier les points sur lesquels ils doivent concentrer leurs efforts pour progresser. Par ailleurs, la note, en exacerbant la compétition au sein de la classe, véhicule son lot de vainqueurs mais aussi de vaincus. Elle amplifie les inégalités scolaires et renforce le déterminisme social, des effets délétères dont le système éducatif français souffre exagérément [TESTARD-VAILLANT, 2016].

Pour ce faire, il convient cependant de se doter de nouveaux outils permettant à l’élève de profiter au maximum de ces exercices afin d’engranger des conseils lui permettant de progresser et ainsi retrouver le sens originel d’évaluations résolument formatives.

L’évaluation par les pairs

Ce type d’évaluation connaît un renouveau depuis quelques années dans la dynamique des MOOC (massive open online course) qui rassemblent parfois plusieurs milliers de participants. Dans ces conditions, impossible d’envisager une correction traditionnelle des copies. Ce qui fonctionne (plus ou moins bien) dans le cadre de formations en ligne pour adultes n’est cependant pas directement transposable dans le cadre d’une salle de classe de l’enseignement primaire et secondaire.

Dans l’idéal, les concepteurs de MOOC demandent à leurs participants de corriger entre deux et cinq copies afin de favoriser la multi-correction et objectiver l’évaluation. Un tel système est néanmoins difficilement envisageable si les copies ne sont pas dématérialisées. De même, le contexte de la salle de classe n’est pas forcément favorable à ce genre de pratique. Les relations interpersonnelles risquent en effet de biaiser les corrections des élèves. Une procédure d’anonymisation des copies et des correcteurs serait donc bienvenue, ce qui demande encore une fois une organisation assez lourde.

Par conséquent, si l’évaluation par les pairs peut permettre de gagner beaucoup de temps à l’enseignant et constituer un exercice formateur pour les élèves, elle nécessite une procédure précise qui ne peut pas être improvisée. Des idées intéressantes peuvent notamment être empruntées chez les praticiens de la Twictée où l’évaluation ne donne pas nécessairement lieu à une note, mais pour laquelle les élèves-correcteurs sont chargés d’identifier des types d’erreur, puis de proposer des “Twoutils permettant de corriger la production initiale. Ainsi, l’élève-producteurs et l’élèves-correcteur ne sont plus seulement dans un rapport d’évaluation, mais bien dans une démarche collaborative d’apprentissage.

Les outils numériques

Si les outils numériques permettent de gagner beaucoup de temps dans le cadre d’évaluations automatisées (cf. développement ci-dessus), ils peuvent également s’avérer tout aussi efficaces dans le cadre d’évaluations nécessitant des réponses complexes et rédigées par les élèves, mais aussi des appréciations tout aussi développées de la part du correcteur.

Depuis quelques années, avec notamment le développement d’assistants personnels intelligents tels que Siri ou Cortana, les solutions de reconnaissance vocale se sont largement démocratisées. Google Doc propose par exemple un outil gratuit appelé “Saisie vocale tout à fait convaincant. Si vous souhaitez néanmoins utiliser un outil encore plus performant, il est possible d’investir quelques dizaines d’euros dans la gamme Dragon Naturally Speaking de Nuance qui permet de personnaliser l’outil à votre voix ainsi qu’à votre style d’écriture et donc améliorer ses performances au fur et à mesure des utilisations.

Grâce à ce logiciel, terminé les commentaires gribouillés dans la marge ! Il suffit désormais de lire la copie et de la commenter oralement en vous contentant d’ajouter progressivement des numéros en face des éléments corrigés.

Après deux années de pratique, cette technique m’a non seulement permis de diminuer sensiblement le temps de correction des travaux d’écriture, mais je me suis également rendu compte que j’étais beaucoup plus précis et disert dans mes commentaires, formulant ainsi plus facilement des conseils et des propositions de reformulation à mes élèves.

Une fois la correction terminée, selon l’équipement de vos élèves, vous pouvez :

  • Envoyer la fiche d’évaluation aux élèves par mail,
  • Imprimer la fiche d’évaluation et la glisser dans la copie.

Dans le cas de copies rédigées directement sur un logiciel de traitement de texte (qu’il s’agisse de Google Doc, Word ou bien OpenOffice Writer selon l’équipement personnel des élèves ou des salles informatiques de l’établissement), il est également possible d’aller encore plus loin car tous ces outils sont désormais dotés de solutions de commentaires intégrés. Il n’est donc plus nécessaire de distinguer la copie de la fiche d’évaluation et vous pouvez directement dicter vos commentaires qui apparaîtront sous la forme de capsules en marge de la production des élèves. Par ailleurs, dans le cadre d’une évaluation formative, les élèves peuvent répondre à vos commentaires afin d’améliorer progressivement leur travail :

III. Les pistes de solutions pour gagner en efficacité

Si les dispositifs précédents visaient avant tout à gagner du temps dans l’activité fastidieuse de correction, ils ne sont pas dénués d’ambition pédagogique. Que ce soit pour l’évaluation automatisée, l’abandon de la notation pour les évaluations formatives, l’utilisation d’un outil de reconnaissance vocale… l’objectif principal reste de mettre l’évaluation au service des apprentissages.

En effet, comme le rappelle Renald LEGENDRE dans son Dictionnaire actuel de l’éducation : “Évaluer, c’est comprendre, éclairer l’action de façon à pouvoir décider avec justesse de la suite des évènement. Il s’agit donc bien d’une action qui ne se limite pas à contrôler la maîtrise de connaissances et compétences à un moment donné, mais bien d’une activité essentielle inscrite dans un processus d’apprentissage permettant non seulement de valider une étape, mais aussi toujours de préparer la prochaine.

C’est dans cette perspective que les solutions suivantes ont été pensées.

L’auto-évaluation

L’auto-évaluation peut être entendue dans plusieurs sens.

Le premier qui vient à l’esprit est souvent celui qui consiste à demander à l’élève lui-même d’évaluer sa production avant que l’enseignant ne le fasse. L’intérêt pédagogique d’une telle pratique consiste à inviter l’élève à porter un regard critique sur son travail en espérant lui faire prendre conscience des éventuelles limites de sa préparation. Si cela fonctionne parfois, il n’est cependant pas rare d’être confronté à des remarques déconcertantes d’élèves sur lesquelles l’enseignant aura bien du mal à rebondir : “Je n’ai pas assez travaillé, “Je n’avais pas compris cette partie du cours ou encore “J’avais fait l’impasse sur cette question. Que répondre alors d’autre sinon : “Il faudra davantage travailler la prochaine fois…

La seconde acception de l’auto-évaluation consiste à anticiper cette difficulté en demandant à l’élève de préparer lui-même son évaluation en proposant des questions et des exercices en amont. L’objectif consiste alors à le faire réfléchir sur les connaissances et les compétences attendues à l’issue d’une séquence. Cette pratique a non seulement le mérite de responsabiliser l’élève dans une démarche de co-construction des apprentissages, mais elle permet aussi de dédramatiser l’évaluation encore trop souvent vécue par certains élèves comme un piège qui serait tendu par des professeurs animés d’une constante et macabre volonté d’utiliser leur stylo rouge.

Encore faut-il trouver ensuite le bon dosage entre l’évaluation complètement préparée en amont qui risquerait ensuite de se transformer en épreuve de récitation en classe d’un devoir préparé à la maison et l’auto-évaluation qui permet de rappeler les connaissances et compétences susceptibles d’être évaluées tout en conservant une part de surprise dans le sujet donné. Tout dépend alors du niveau de classe, du degré d’autonomie et de l’avancement dans la formation des élèves.

L’évaluation de confiance

Beaucoup trop d’élèves vivent mal les évaluations et accumulent les échecs car ils ne comprennent pas leurs notes. Ceci est d’autant plus vrai dans les évaluations des tâches complexes pour lesquelles les élèves sont parfois incapables d’expliquer pourquoi ils ont obtenu 12/20 quand leur voisin n’a eu que 7/20. Comment dans ces conditions espérer les faire progresser ?

Force est de constater d’ailleurs qu’il est parfois difficile à un enseignant lui-même de justifier avec précision qu’il ait mis un point plutôt que deux à une question notée sur 3. L’expérience de l’examinateur probablement… Sauf que c’est justement cet élément implicite qui manque à l’élève pour savoir comment passer la prochaine fois de 1 à 2, voire ensuite de 2 à 3. D’où le sentiment d’injustice dramatique qui conduit au découragement des élèves : “De toute façon, avec lui, je n’aurai jamais la moyenne !

Expliciter ses critères d’évaluation, c’est aussi un acte de formation ! C’est une tâche certes exigeante et chronophage, mais indispensable. Cela implique d’être en mesure pour un enseignant de s’interroger sur les moyens à acquérir pour répondre à un exercice et donc par conséquent d’être en mesure de les expliciter aux apprenants et d’en faire des objectifs d’apprentissage précis. Qu’il s’agisse de dispositifs par niveaux ou par ceintures, ces outils se multiplient actuellement dans les salles de classe mais entraînent des difficultés matérielles pour en assurer le suivi.

Pour une évaluation véritablement différenciée

Dans un système éducatif parfait, l’élève pourrait avancer à son rythme et n’être évalué que lorsqu’il est prêt. Si de telles expérimentations existent à l’école primaire où la gestion du temps de classe et des élèves est plus souple, dans la réalité de la plupart des classes du secondaire, il faut avancer le programme et bien souvent enchaîner les chapitres et notions à un rythme effréné.

A défaut de pouvoir revenir sur les connaissances d’un chapitre à l’issue d’une évaluation de connaissances, il devrait pourtant être envisageable d’étirer davantage le temps d’apprentissage des compétences que l’on sait indispensables pour la construction des savoirs à venir. Ainsi, on pourrait probablement éviter d’accumuler les lacunes années après années dans un système actuellement découpé en niveaux de classe où l’élève n’est pas obligé de maîtriser toutes les compétences exigées pour passer à la classe supérieure, mais où les enseignements ultérieurs reposeront bien quant à eux sur des bases supposées acquises.

Encore une fois, pour ce faire, il convient de se doter d’un véritable outil qui permette à l’élève de ne pas refermer sa copie en essayant de se persuader que le prochain devoir sera un nouveau départ, mais qui lui permette plutôt de se fixer des objectifs précis à travailler jusqu’à la prochaine évaluation dans un esprit de progression permanent.

Telles sont les ambitions de l’application de suivi des élèves…

IV. Vers une application de suivi des élèves

Afin de mettre en oeuvre les dispositifs d’évaluation évoqués précédemment, de nouveaux outils sont nécessaires. La généralisation des évaluations par compétences à l’école primaire et au collège a été accompagnée de la multiplication des applications permettant d’en suivre l’avancement. Les espaces numériques de travail (ENT) proposent quasiment tous leur solution et des logiciels complémentaires tels que SACoche sont désormais largement diffusés. Et pourtant, aucun de ces outils n’est parvenu à me convaincre après plusieurs mois de recherche, d’essais, et de bricolage.

D’où cette proposition mise à la disposition des collègues qui voudront s’en emparer, dans l’attente d’un éditeur susceptible d’en proposer une version encore plus fonctionnelle, ergonomique et adaptable. Les principales fonctionnalités de cet outil sont en effet pensées pour une utilisation dans le cadre d’un enseignement d’histoire-géographie en lycée, mais elles peuvent aisément être adaptés à d’autres cycles et disciplines.

Cahier des charges

Au fur et à mesure des essais sur les différents outils existants, j’ai construit une liste des fonctionnalités qui me semblent indispensables à la mise en oeuvre d’un système d’évaluation positive et participative.

  1. Simple, ergonomique et accessible
    1. L’outil doit être utilisable à la fois par l’enseignant, ses élèves, mais aussi les parents ;
    2. Il doit permettre une identification simple et rapide (à partir d’une simple adresse mail, mais aussi des réseaux sociaux) ;
    3. Il doit pouvoir être consulté et modifié autant sur PC, que sur tablette et smartphone ;
    4. Il doit donner la possibilité aux utilisateurs de recevoir une notification (ou bien un mail) à chaque modification de son tableau de bord ;
    5. Il doit être gratuit.
  2. Ludique, interactif et collaboratif
    1. Il doit permettre à l’élève et à ses parents d’identifier rapidement et facilement les points forts et les axes de travail d’un élève à l’aide de tableaux, graphiques et couleurs ;
    2. Il a pour ambition de devenir un outil central dans la communication entre l’enseignant, l’élève et ses parents. Par conséquent, bien que l’enseignant soit le seul à bénéficier de droits d’écriture, les élèves et les parents doivent pouvoir ajouter facilement des commentaires ;
    3. Il est notamment utilisé pour mieux différencier les apprentissages et ainsi aider l’élève et l’enseignant à adapter les évaluations en fonction du parcours de chacun ;
    4. Par ailleurs, il doit pouvoir être utilisé par l’enseignant comme un véritable outil de diagnostic le plus objectif possible lui permettant de préparer les bulletins et conseils de classe.
  3. Évolutif
    1. Il doit être en mesure de s’adapter au parcours d’apprentissage individuel de chaque élève ;
    2. Il a d’ailleurs pour ambition d’aider les élèves et leurs parents à prendre conscience de la progression des compétences et résultats au fur et à mesure de l’année afin de lutter contre le sentiment de dévalorisation qui précède le décrochage scolaire ;
    3. Il est également possible de conserver cet outil sur plusieurs années pour permettre de suivre l’évolution des compétences d’un élève non seulement sur une année, mais aussi à l’intérieur d’un cycle ;
    4. Enfin, il a pour ambition d’être suffisamment malléable pour être adapté par d’autres collègues, dans d’autres disciplines et avec d’autres compétences, en modifiant simplement et rapidement quelques paramètres.

Présentation des principales fonctionnalités de la version bêta

Dans l’attente d’une application plus professionnelle, cette première version du tableau de suivi des élèves a été construite à l’aide du logiciel gratuit et en ligne Google Sheet.

Chaque élève possède son fichier anonymisé auquel il peut accéder depuis le blog de classe.

Seul l’enseignant possède des droits d’écriture sur le fichier, mais l’élève et ses parents ont la possibilité d’y collaborer en ajoutant des commentaires directement sur le fichier (l’enseignant reçoit alors un courriel automatique l’informant d’une modification apportée au fichier).

Ce fichier est composé de plusieurs onglets :

  • La feuille de synthèse constitue la page principale. Elle se présente sous la forme d’un tableau de bord de l’élève qui permet d’identifier rapidement (à l’aide de graphiques et tableaux) les points forts et les axes de travail de l’élève. Toutes les informations sont automatiquement mises à jour à partir des informations recueillies sur les autres feuilles au fil des évaluations.

    On y trouve notamment :
    • Un graphique de suivi des activités préparatoires ;
    • Un graphique de suivi des évaluations de connaissances ;
    • Un graphique de suivi des compétences liées aux exercices type-bac (composition et étude critique de documents dans le cadre de cette fiche de suivi créée pour l’histoire-géographie en niveau lycée) ;
    • Un graphique de suivi des autres compétences travaillées en classe ;
    • Un graphique représentant le nombre d’activités de remédiation et de valorisation réalisées (avec un objectif ciblé de 10 activité par trimestre).
    • Un tableau de synthèse des appréciations trimestrielles. Quelques jours avant le conseil de classe, chaque élève est en effet invité à compléter ce tableau en analysant lui-même ses résultats. Une discussion peut alors s’engager avec l’enseignant afin de proposer une appréciation co-construite et ainsi mieux comprise et acceptée par l’élève.
  • La feuille de suivi des évaluations des activités préparatoires permet d’identifier rapidement les résultats chiffrés et automatisés des activités préparatoires réalisées en autonomie. S’agissant d’activités notées, la note de l’élève est systématiquement associée à la moyenne du groupe. Une colonne “remarques permet de commenter ponctuellement ces résultats afin de féliciter l’élève ou lui conseiller des activités de remédiation.
  • La feuille de suivi des évaluations de connaissances fonctionne exactement sur le même principe que la feuille précédente.
  • La feuille de suivi en cours de formation permet de mettre en oeuvre les principes de l’évaluation formative développés précédemment dans cet article. Il s’agit d’assurer un suivi des exercices et activités réalisées en cours de formation par l’élève afin d’atteindre ses objectifs individuels fixés entre chaque évaluation sommative. Nous conservons ainsi une trace du parcours d’apprentissage de chaque élève afin de l’accompagner au mieux dans sa progression. Il existe deux possibilités pour compléter ce fichier :
    • Directement par l’enseignant, en classe, qui peut ajouter des remarques au quotidien lorsqu’un élève réalise un exposé, s’investit particulièrement dans une activité ou à l’inverse se fait remarquer pour des bavardages, oublie son matériel…
    • Sur proposition de l’élève qui demande un exercice facultatif pour s’entraîner ou bien réalise une activité complémentaire (quiz de révision, fiche de synthèse sur une notion, plan détaillé de composition…) à mutualiser avec les autres élèves.

  • Les feuilles de suivi des évaluations par compétences sont les éléments qui nécessitent le plus d’adaptation d’une discipline à l’autre, voire d’un enseignant à l’autre. L’exemple disponible sur ce fichier bêta concerne la composition et l’étude critique de documents en histoire-géographie. Elles s’organisent de la façon suivante :
    • A chaque fois qu’un élève réalise une composition en situation d’évaluation sommative, sa production est corrigée à partir d’une grille de compétences qui lui permet de se situer sur une échelle à 3 niveaux (aussi appelées ceintures). Ainsi, il lui est possible de progresser étape par étape en fonction de son niveau de départ, en connaissance des critères d’évaluation, et en visualisant directement ce qui est attendu de lui pour atteindre le niveau suivant.
    • Pour valider un niveau, le professeur ajoute simplement le chiffre “1 et la case correspondante se colore automatiquement en vert. Lorsque le niveau n’est pas atteint, il lui suffit d’ajouter le chiffre “0 et la case se colore alors en rouge. La colonne “remarques et conseils lui permet de commenter la copie au fur et à mesure de la lecture (notamment à l’aide d’un logiciel d’assistance vocale pour gagner encore plus de temps).
    • A l’issue de la correction, l’enseignant est invité à remplir un tableau de synthèse pour guider la rédaction de son appréciation générale (points forts, limites, objectifs pour la prochaine évaluation…).
    • Il peut alors soit imprimer ce document (format A4) afin de le glisser dans la copie de l’élève, soit l’envoyer directement par mail à l’élève.
    • Il convient également de noter l’existence d’un quatrième niveau de compétence qui n’est pas défini à l’avance par l’enseignant mais qui peut permettre à des élèves de dépasser les attentes d’un niveau de Terminale et ainsi les inviter à faire preuve d’autonomie en leur laissant un espace de liberté pour approfondir leurs activités.
    • Enfin, une feuille de suivi des compétences par exercice permet de suivre l’évolution évaluation après évaluation et d’illustrer visuellement la progression de l’élève au fil des entraînements.

      Cet outil a ensuite pour ambition d’être appliqué de la même façon pour d’autres exercices en fonction des disciplines et des niveaux de classe. Par ailleurs, une autre feuille permettra à l’élève de solliciter une validation d’autres compétences mentionnées dans les instructions officielles (pratique de l’oral, utiliser les TIC, mener à bien une recherche, etc…).

Conclusion

L’outil proposé est actuellement en phase de test. Un bilan de l’expérimentation sera réalisé d’ici quelques mois à partir de témoignages d’élèves et de parents afin d’en proposer une version plus élaborée. L’idéal serait cependant de pouvoir élargir l’expérimentation en proposant d’autres modèles de feuilles de suivi de compétences adaptées à un maximum de disciplines, de niveaux et d’exercices. N’hésitez pas à proposer et mutualiser les vôtres en me contactant via les réseaux sociaux ou bien en utilisant le formulaire de contact de ce blog.

Orientations bibliographiques

  • Laurent FILLION, “Évaluer par paliers : pourquoi ? Comment ?, sur le blog Peut mieux faire, 6 juillet 2016 [consulté le 03 août 2016].
  • Stéphanie FIZAILNE, “Classe inversée : Évaluer pour mieux apprendre, in Le Café Pédagogique, 07 juillet 2015 [consulté le 03 août 2016].
  • François JARRAUD, “Clic 2016, Quand la classe inversée réinvente l’évaluation, in Le Café Pédagogique, 07 juillet 2016 [consulté le 03 août 2016].
  • Lucie MOTTIER-LOPEZ, Évaluations formatives et certificative des apprentissages, Enjeux pour l’enseignement, Editions de Boeck, 2013.
  • Jean-Pierre NOSSENT, « Évaluation ou contrôle, repères pour l’éducation permanent », in Analyse de l’IHOES n° 63, 15 mars 2010 [consulté le 03 août 2016].
  • Georgette NUNZIATI, “Pour construire un dispositif d’évaluation formatrice, in Cahiers Pédagogiques, n° 280, janvier 1990 [consulté le 03 août 2016].
  • Laurent LESCOUARCH, « Quelle évaluation pour quelle pédagogie ? », sur le blog Psychologie, éducation & enseignement spécialisé, septembre 2007, [consulté le 03 août 2016].
  • Olivier REY et Annie FEYFANT, “Evaluer pour (mieux) faire apprendre, in Dossier de veille de l’IFE, n° 94, Septembre 2014 [consulté le 03 août 2016].
  • Philippe TESTARD-VAILLANT, “Comment mieux évaluer le travail des élèves ?, in CNRS, Le Journal, 18 mai 2016 [consulté le 03 août 2016].










Cet article a été initialement publié sur le site de la Pédagogique participative et sociale : https://pepsagogie.wordpress.com